Entrer dans la IXème symphonie de Beethoven avant d’aller l’écouter !

Sans doute la symphonie numéro 9 de Beethoven compte-t-elle parmi les œuvres les plus célèbres au monde. Et pourtant, à l’instar de son compositeur, elle reste intimement méconnue. Cette pièce majeure est en effet la clef de voûte d’une tension existentielle chez le compositeur de Bonn. Une tension entre l’humain et le divin qui se résume, si surprenant que cela puisse paraître chez un homme à la réputation torturée, en deux termes : l’espérance et la paix. Six mots se retrouvent constamment sous la plume tant littéraire que musicale de Beethoven, Homme, destin, divin, espérance, paix et joie. Il faut comprendre l’Homme chez Beethoven pour saisir son espérance et la résolution de l’espérance : la paix qui donc donne la joie. Et nous pouvons ainsi combiner la récurrence du vocabulaire chez le maître : à l’Homme est apposé le destin, la vertu, la souffrance, le péché, l’éloignement du Dieu et l’humilité. Au divin correspond la paix, le Ciel, le Tout Autre, le Christ et la joie.

Quatre œuvres magistrales (non exclusives) disent tout de la vision beethovenienne de l’Homme, du destin, de l’espérance, de Dieu et de la paix. Quatre œuvres que le compositeur lui-même a regroupées pour leur création en deux concerts fleuves. Le premier s’ouvrit par la Vème, celle du destin et de la vertu, pour se résoudre dans la VIème par l’acceptation de la vie. Vie conçue alors comme le lieu à atteindre et lieu de combat, c’est-à-dire précisément le lieu de celui qui remporte le combat. Le second concert pose Dieu et l’Homme dans la distance qui les sépare, en même temps que dans l’Incarnation source de paix. Là réside toute la théologie de la Missa Solemnis. Mais celle-ci demeure en suspens jusqu’à sa résolution dans l’espérance, l’Ode à la joie qu’est la IXème. On n’entre pas comme ça dans la IXème, on y parvient au terme d’un long parcours initiatique.

Le concert du 22 décembre 1808 (plus de 4h) se situe au cœur de la période héroïque. Avec ce combat du destin qui frappe, la finale de la Vème est le triomphe de celui-ci et pourtant, musicalement, il n’y a pas de résolution. La symphonie s’arrête en attendant une suite parce qu’elle attend une réponse, une issue que lui donnera la VIème. Si la Vème exprime le tragique de la vie humaine, la VIème donne son consentement à cette vie. C’est l’heure du réalisme, socle du vrai combat devenu, par cette acceptation, possible. Et c’est déjà une sérénité car les hommes vertueux affrontent non pas l’imaginaire, mais la réalité. Se pose alors une question : si la vie ici-bas est un combat qui sous-tend une espérance, celle de la stabilité, de l’éternité, donc de la paix, quel est concrètement l’enjeu de ce combat, qu’est-ce que cette paix recherchée ?

Il faudra attendre 16 ans pour avoir la réponse, dans le concert du 7 mai 1824. Beethoven est littéralement transformé. La Missa Solemnis, c’est d’abord et avant tout un changement dans la vie de Beethoven. Son vocabulaire sur l’Homme, le héros, l’Homme qui ne se doit qu’à lui-même, change. Là où il disait « donne-moi la force de me débrouiller », il prie à présent « Sois mon roc, Ô mon Dieu ! Sois ma lumière ! Sois à jamais le refuge où viendra s’abriter ma confiance. » Avec cette messe, Beethoven va sortir d’une crise profonde pendant laquelle Dieu lui est apparu comme le seul recours possible. C’est pour lui une période de Résurrection. En l’écrivant, il a délibérément voulu mettre son génie au service de Dieu. Il a voulu réaliser une composition à la gloire « du Tout Puissant, l’éternel, l’infini ». Dieu est la source et le lieu de la joie. L’espérance du combat de l’Homme, c’est la paix que seul Dieu peut procurer.

Il est notable toutefois que le dona nobis pacem ne finit pas sur la paix, mais sur l’image d’inquiétude au silence de Dieu, la paix se dérobe. Musicalement la phrase est inachevée. En fait elle va se résoudre dans la seconde partie de ce concert par la IXème. Cette symphonie inégalée qui fait encore trembler aujourd’hui tous les compositeurs lorsqu’ils en arrivent à écrire leur IXème, est le récapitulatif du combat de l’espérance, et l’expression réelle de la victoire finale plus que la Vème. Dans celle-ci l’Homme se bat contre son destin pour le maîtriser. Dans la IXème, l’Homme se bat pour la joie et la paix.

La ligne de l’espérance (ce passage si connu) est là tout au long de la symphonie, alors même que l’harmonie semble vouloir la plomber. Elle ressort toujours et encore, jusqu’à trouver la joie. Le premier mouvement est très volontariste, c’est la dynamique de l’espérance (on la ressent dans la montée essoufflée du cycle des quintes par exemple) avec de courts moments de joie très proche de la pastorale et du 3ème mouvement de la IXème. Elle est là, avec des hauts et des bas, éternelle renaissance du Phoenix qui exprime la résurrection. Clairement deux forces sont en présence, qui s’entrelacent dans les crescendos decrescendos. Le second mouvement est un écho du gloria de la Missa Solemnis, on y trouve les cadences suspensives dans la ronde exprimant l’hésitation de la vie. Dans le tourbillon de la vie c’est une pause champêtre servie par les cors, rappel de la VIème. Puis au moment même de cette paix goutée, le tourbillon initial reprend, pour être, avec les violons, aspiré vers le haut dans le 3ème mouvement, jusqu’à culminer dans l’Ode à la joie dont les paroles se passent de commentaire.

« Belle étincelle divine » (repris comme final) ; « être l’ami d’un ami » ; « tous les hommes deviennent frères » « et le chérubin se tient debout devant Dieu ».

Triomphe de la vie en et par Dieu, la IXème est aussi inattendue qu’exceptionnelle. De ces quatre œuvres qu’il faudrait compléter par bien d’autres, la grande symphonie permet la résolution en Dieu de toute la vie si difficile et chaotique de l’Homme vertueux qui trouve dans la contemplation son Dieu, source de la joie. Et pour qui en douterait, Beethoven signe son œuvre en une seule. L’accord final de la IXème est le Ré majeur (tonalité des triomphes et des Alleluias) de la Missa Solemnis. La boucle est bouclée ! Dieu source et fin de la joie de l’Homme : qui mieux que Beethoven pouvait le mettre en musique ?

Cyril Brun

En voici un trop court mais merveilleux extrait par mon maître Yakov Kreizberg

Carmen Circus, une troupe de campagne à l’opéra de Rouen

Carmen Circus, une troupe de campagne à l’opéra de Rouen

Une après-midi des familles comme on les aime ! Le théâtre des Arts, plein à craquer, grouille d’enfants impatients. Pour beaucoup, ils viennent de passer un long moment de répétition pour tenir, depuis la salle, le rôle des chœurs du célèbre Carmen de Bizet. Un Carmen particulier puisque la musique et l’histoire, à peine revisitée, servent de trame à ce spectacle participatif. Une troupe de cirque, le Cirque de Séville, donne la réplique bohémienne, dans l’arène comme en coulisses. Numéros de cirque sur fond de drames amoureux enchevêtrés, Carmen devient la magicienne, Don José le gardien du cirque et Micaëla l’assistante du lanceur de couteaux. Amoureux de l’une puis de l’autre, amoureuse de l’un puis d’un autre, l’histoire est bien celle que nous connaissons et finalement, une histoire assez banale, ordinaire qui nous rejoint tous, chacun selon tempérament. Du reste, comme nous le disions dans notre article de présentation, la tessiture de Carmen, laisse de grandes possibilités d’interprétation. Pour autant, le choix d’illustrer une vie de cirque avec les héros de Carmen et non d’interpréter Carmen au cirque, ouvrait un tout autre champ à la Mezzo-soprano. Bohémienne toujours, elle disparut cependant derrière une interprétation plus belcantiste qu’endiablée et l’ensemble semblait fort disparate. Don José, plus à son rôle, tint davantage la seine par sa présence de jeu comme par la rondeur de sa voix.

Si le rire était là, comme il se doit au cirque plus que dans la tragédie, on pourra regretter le peu de numéros de cirque stricto sensu, faisant du décor plus un prétexte qu’un spectacle. Mais c’est la musique qui n’était pas au rendez-vous. Voix couvertes par l’orchestre, fréquents décalages avec les solistes, qualité sonore approximative, comme si, parce que ce n’était pas l’opéra lui-même, l’orchestre avait pris le spectacle à la légère. Impression renforcée en voyant les musiciens arriver au Théâtre à peine cinq minutes avant la représentation. Le désagrément était tel que le cirque devint, en effet, un véritable cirque faisant de Carmen, reine du cirque un Carmen Circus de campagne.

Cyril Brun

Spectacle vue le 24 février 2019 – Théâtre des Arts

Direction musicale Alexandra Cravero

Mise en scène Andrea Bernard

Carmen, l’étoile du cirqueEléonore Pancrazi
Don José, le gardien du cirque Samy Camps
Escamillo, l’homme de ferJean-Kristof Bouton
Micaela, l’assistante du lanceur de couteaux Hélène Carpentier
Mercedes, la trapéziste Marie Kalinine
Le Dancaïre, le lanceur de couteaux Mathieu Dubroca
Remendado, le fakir David Tricou
Zuniga, le propriétaire du cirque Bruno Bayeux Acrobates

Acrobates Marianna De Sanctis, Anne-Claire Gonnard, Alice Macchi, Marcel Zuluaga

Orchestre de l’Opéra de Rouen Normandie

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