Le CDN de Normandie-Rouen achève sa saison par une pièce assez emblématique de ce que fut la cuvée 2018/2019. Simon, la méduse et le continent, un émouvant spectacle qui donne la parole à ceux qui ne l’ont pas, qui pose, devant nos yeux, incontournables, les questions qu’on ne sait pas formuler. Simon, un enfant handicapé muré dans son silence bouillonnant de questions, d’interprétations, nous impose son propre regard sur lui, sur le handicap, sur la différence, mais aussi sur le monde quotidien, que nous, adultes, maquillons de tant d’hypocrisie et de non-dits. Fort bien interprété, par Simon Vialle, jusque dans le répétitif tournoyant en absurde réfléchi, la pièce est sobre, comme souvent sur la scène du CDN, car l’essentiel est dans le texte et la manière de le dire.
Nous ne sommes pas allés à toutes les représentations du CDN de cette saison, mais nous n’en avons pas manqué beaucoup. Au théâtre des deux rives ou à la foudre, ou occasionnellement à l’opéra et à la chapelle Corneille, la force de cette saison 5 aura été, incontestablement, cette parole donnée aux sans voix du quotidien. Bien entendu, il y a eu quelques places pour les grandes voix muettes, comme la condition de la femme, mais c’est surtout à ces petites voix que nous croisons tous les jours, les sdf, les autistes, les enfants, et qui sait, peut-être plus encore, notre petite voix intérieure que les acteurs, toujours si proches de leur personnage, ont servi de porte-voix.
La saison 5 s’est révélée une étonnante introspection à qui voulait bien se laisser déranger devant ce quotidien (son quotidien) ainsi dépouillé de tous les artifices que notre monde s’ingénie à mettre en scène pour justement ne pas voir, ne pas entendre.
Un théâtre engagé qui pousse les petits et les grands à se mettre, à leur tour, nus sur la scène, face au réel dépouillé. Une mise en abime, le temps d’un spectacle, de ce qu’est la vie des autres (et la sienne sourde et cachée) dans toute sa nudité.
Romain de La Tour
