Rouen en 312

Une nouvelle capitale qui renaît ?

Avec le diaporama XXL sur Rome en 312, nous sommes demandés à quoi ressemblait Rouen à cette date. Situé dès l’origine sur une rive de la Seine de prime abord compliquée pour l’homme, la cité primitive trouve pourtant à cet endroit précis de très nombreux atouts que ne cumulent pas les autres sites riverains, notamment une terrasse légèrement surélevée, d’une composition géologique accueillante (plus ou moins le pourtour de la cathédrale), une ligne de sources importantes (au niveau de la gare) et alimentant un réseau de ruisseaux complété par de nombreux puits d’eau potable. Mais plus encore peut-être, les rives de Seine sont de bonne composition pour tenir un port à proximité et les percées de voies terrestres ouvrent à l’extérieur les falaises ailleurs abruptes. Ici, il y a deux-mille ans, le fleuve mesurait 500 mètres de large (contre 150 aujourd’hui). Si les premiers habitats sont difficiles à dater, les prémices de la cité semblent dater de -23 avant J-C. Mais il faut attendre le début de notre ère, sous Auguste pour que les îlots urbains se dessinent vraiment, autour de l’actuel palais de justice et de la place du Vieux Marché, 6 ou 7 mètres en dessous du niveau actuel du sol de la cathédrale (14 m). A cette date, la cité s’organise autour de deux pôles, le centre, sur la terrasse et le port. C’est sous les Flaviens que la cité prend de l’ampleur et sort des limites confortables que lui procure l’écosystème naturel.

Au début du IIIème siècle la ville atteint son extension maximale, avec de nouveaux monuments, un habitat plus dense et mixte. Les grandes domus côtoient les maisons plus humbles. Mais à cette date l’empire traverse une grande crise qui semble toucher la ville. Certains quartiers périphériques sont désertés, tandis qu’une succession de nombreux incendies laissent de lourdes cicatrices. Prise entre la seine, les zones marécageuses et la colline, la ville ne dépasse guère les 80 ha, là où Paris rive gauche est à 100 ha et Reims 600. Bien que capitale de la seconde Lyonnaise depuis 293 et ville épiscopale (première mention au Concile d’Arles de 314) Rouen n’est qu’une cité moyenne. A l’aube du IVème siècle, la ville semble se repeupler. Les habitations se densifient, notamment autour du groupe cathédral. Mais il faut bien reconnaître que peu de monuments sont encore connus.  Les thermes (situés entre la rue Socrate et la rue des Carmes) sont attestés dès le IIème siècle. On a retrouvé l’amphithéâtre, situé sur la rue Jeanne d’Arc et la rue Morand, un théâtre à l’angle de la rue de la Chaîne et de la rue Saint-Amand, une esplanade monumentale et une fontaine (nymphée) place de la pucelle ainsi qu’une zone commerciale au nord des thermes. Quelques grandes domus luxueuses, notamment place de la cathédrale (incendiée au IIIème siècle) et d’autres monuments imposants, mais non identifiés, se retrouvent ça et là, notamment autour du Gros-Horloge. Mais le forum, lieu de vie romain par excellence, n’a jamais été identifié. Pour l’heure on tend à le situer dans le quartier du palais de justice.

La proximité accessible de la nappe phréatique, la ligne de source, les ruisseaux ou le Robec (qui revêt une très grande importance dans l’histoire de la ville), comme la Seine ont rendu inutile la construction d’un aqueduc. Mais fleurissent nombre de puits et de fontaines. On retrouve des éléments du port, 150 m au nord de la berge actuelle, place de la Haute Vieille Tour, rue Grand-Pont ou encore à hauteur du théâtre des Arts. Les fouilles épigraphiques révèlent que les noms utilisés sont communs aux trois Gaules. On ne relève pas de particularismes locaux (ce qui ne veut pas dire qu’il n’y en avait pas). L’écrit semble assez répandu à Rouen. Enfin, on trouve des Rouennais exilés dans d’autres villes comme Lyon en nombre bien plus important que pour les autres cités de la région.

En 312, Rouen est donc une ville administrative et religieuse (chrétienne) de l’empire. Capitale de fraîche date, elle bénéficie d’une position privilégiée en matière de communication, notamment avec ses voisines, Lillebonne ou Evreux. La vie, un temps compliquée, semble repartir au rythme de l’empire.

Charles Montmasson

Cardo et decumanus

Les grands axes rouennais romains

Traditionnellement, une ville romaine est quadrillée en cardo (axe nord-sud) et decumanus (axe est-ouest). Le cardo maximus et le decumanus maximus sont les deux axes principaux de la ville à la croisée desquels se trouvait généralement le forum, la place publique où les romains traitaient des grandes affaires. A l’heure actuelle on identifie (avec plus ou moins de certitudes) 9 cardo et 6 decumanus pour Rouen, sans savoir vraiment lesquelles étaient les maximus. La plupart reprennent avec quelques mètres de décalage les rues actuelles. Ainsi le cardo 5 prolongerait en ligne plus ou moins droite la rue Socrate depuis la Seine jusqu’au Nord. Le cardo 6 emmancherait la place de la cathédrale, la rue des Carmes et jusqu’au nord depuis la Seine. C’est probablement une des rues les plus importantes correspondant à la liaison Rouen Amiens. Les voies plus à l’est sont secondaires. Le decumanus le plus proche de la Seine relevé à ce jour est à 150 mètres de la rive actuelle. Le decumanus I est une parallèle entre la rue du Gros-Horloge et la rue Aux Ours. Le decumanus II, pour sa part, joint celle du Vieux Marché actuelle, à celle de l’actuelle cathédrale par la rue du Gros-Horloge, qui se trouve donc être un des axes les plus anciens de la ville. Le decumanus III est un des axes les plus importants, contemporain de la fondation de la cité. Partant de la place du Vieux Marché, il se poursuit par la rue Aux juifs. C’est la rue la plus large, mais rien n’assure que ce soit le decumanus maximus. Le decumanus V qui partirait de la place Cauchoise vers l’Est, en s’interrompant de part et d’autre des termes, (voir notre article p.) ne correspond pas à une rue actuelle, contrairement au VI qui, parti de la rue Cauchoise suit la rue des Bons-Enfants, des Fossés Louis VIII et s’en va probablement jusque vers la rue des Faulx. Le VII enfin rejoignant sans doute la nécropole de l’Ouest tire une rectiligne allée Eugène Delacroix pour se scinder en deux, rue des Arsins. Sans doute est il construit à la fin du Ier siècle sur l’emplacement des anciens fossés, limites de la première ville.

Charles Montmasson