Le Cancan, une table à voir !

Gastronomie, œnologie et féérie place du Vieux’.

Restaurant visité les 16 et 21 septembre et le 10 octobre. (Précisons que la carte à changé mais est toujours aussi excellent)

Inclassable ! C’est la volonté réussie de l’équipe du Cancan. Quelque chose du bistrot, mais avec plus de classe, sans basculer dans le classique sérieux, tandis que l’assiette est assurément gastronomique et la cave, le pivot de la maison. Ambiance des îles en terrasse, même en plein automne normand, le Cancan, c’est un moment hors du temps, une pause qui dépayse et vous invite au voyage illusionniste. La convivialité ne fanfaronne pas et rayonne en joie de la passion du patron, comme des serveurs (quoique distants). Le style, le décor, les plats… à peine avez-vous franchi le seuil (interdit aux râleurs), que la Normandie pourtant massivement inscrite sur les murs de la place du Vieux Marché que vous venez de traverser, disparaît et vos yeux, éberlués comme l’oisillon qui s’éveille, se retrouvent à l’autre bout du monde, quelque part, dans ce là-bas lointain où l’on rêve de se détendre un cocktail à la main les pieds dans l’eau. Il manque l’eau, mais les cocktails, tous à base de vin, sont bien là. Vous pourrez même découvrir celui du moment créé spécialement par le Petit Bar (voir notre dossier p). Le vin, servi en et par des connaisseurs, est le discret fil rouge de la maison. Les plats semblent danser autour de leur carte, comme autant d’invitations à la rencontre. Ainsi, le maquereau à la flamme, mi cru, conserve-t-il un étonnant goût de poisson, sans pour autant écraser le vin, ni disparaître devant lui. Mais c’est dans l’originalité des accompagnements que nous trouvons une autre promenade des sens. Le bar et son émulsion de coquelicots s’achève en bouche d’une rare subtilité, quoiqu’un peu étouffée par les brocolis qui, pour être superbement préparés, n’en étaient pas moins trop affirmés face au délicat coquelicot. Pour rester dans les poissons, la sardine et son œuf dur râpé fondait en bouche tant elle était confite, le tout accompagné d’une petite sauce discrète mais dont la présence changeait radicalement la perspective de l’assiette. Si un véritable ballet des saveurs tournoie sous le palais, un tableau de maître se donne à contempler dans l’assiette, à l’image de ces ravissantes (et succulentes) bouchées à la reine de charlottes en forme de mignardises pour accompagner le cochon racé et fondant dont on apprécie l’inattendu retour en bouche de romarin. En levant les yeux, vous verrez les viandes fumer sous cloches ou le dessert du Cancan, ce volcan exhalant ses vapeurs chaudes. Une féérie des yeux pour le spectacle illusionniste d’un discret cabaret. Il ne reste plus qu’à se laisser guider, à l’aveugle pour les vins, comme la boucle du cercle revient à son intuition première, et vous aurez en une soirée cette tant recherchée « bouchée parfaite » en laquelle chaque produit donne le meilleur de lui-même parce que génialement associé aux autres.

Les menus sont d’un excellent rapport qualité prix, mais les vins font sensiblement monter l’addition. Tel est le prix d’une soirée fort complète, au service parfois un peu long, comme un supplément au voyage !

Armelle Le Victrix

Le Cancan, 43, place du Vieux Marché à Rouen – Ouvert tous les jours, midi et soir