Carmen Circus, une troupe de campagne à l’opéra de Rouen

Carmen Circus, une troupe de campagne à l’opéra de Rouen

Une après-midi des familles comme on les aime ! Le théâtre des Arts, plein à craquer, grouille d’enfants impatients. Pour beaucoup, ils viennent de passer un long moment de répétition pour tenir, depuis la salle, le rôle des chœurs du célèbre Carmen de Bizet. Un Carmen particulier puisque la musique et l’histoire, à peine revisitée, servent de trame à ce spectacle participatif. Une troupe de cirque, le Cirque de Séville, donne la réplique bohémienne, dans l’arène comme en coulisses. Numéros de cirque sur fond de drames amoureux enchevêtrés, Carmen devient la magicienne, Don José le gardien du cirque et Micaëla l’assistante du lanceur de couteaux. Amoureux de l’une puis de l’autre, amoureuse de l’un puis d’un autre, l’histoire est bien celle que nous connaissons et finalement, une histoire assez banale, ordinaire qui nous rejoint tous, chacun selon tempérament. Du reste, comme nous le disions dans notre article de présentation, la tessiture de Carmen, laisse de grandes possibilités d’interprétation. Pour autant, le choix d’illustrer une vie de cirque avec les héros de Carmen et non d’interpréter Carmen au cirque, ouvrait un tout autre champ à la Mezzo-soprano. Bohémienne toujours, elle disparut cependant derrière une interprétation plus belcantiste qu’endiablée et l’ensemble semblait fort disparate. Don José, plus à son rôle, tint davantage la seine par sa présence de jeu comme par la rondeur de sa voix.

Si le rire était là, comme il se doit au cirque plus que dans la tragédie, on pourra regretter le peu de numéros de cirque stricto sensu, faisant du décor plus un prétexte qu’un spectacle. Mais c’est la musique qui n’était pas au rendez-vous. Voix couvertes par l’orchestre, fréquents décalages avec les solistes, qualité sonore approximative, comme si, parce que ce n’était pas l’opéra lui-même, l’orchestre avait pris le spectacle à la légère. Impression renforcée en voyant les musiciens arriver au Théâtre à peine cinq minutes avant la représentation. Le désagrément était tel que le cirque devint, en effet, un véritable cirque faisant de Carmen, reine du cirque un Carmen Circus de campagne.

Cyril Brun

Spectacle vue le 24 février 2019 – Théâtre des Arts

Direction musicale Alexandra Cravero

Mise en scène Andrea Bernard

Carmen, l’étoile du cirqueEléonore Pancrazi
Don José, le gardien du cirque Samy Camps
Escamillo, l’homme de ferJean-Kristof Bouton
Micaela, l’assistante du lanceur de couteaux Hélène Carpentier
Mercedes, la trapéziste Marie Kalinine
Le Dancaïre, le lanceur de couteaux Mathieu Dubroca
Remendado, le fakir David Tricou
Zuniga, le propriétaire du cirque Bruno Bayeux Acrobates

Acrobates Marianna De Sanctis, Anne-Claire Gonnard, Alice Macchi, Marcel Zuluaga

Orchestre de l’Opéra de Rouen Normandie

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Le Comte Ory, l’esprit français à l’âme italienne.

Quand il nous a fallut titrer cette présentation de Cyril Brun du Comte Ory qui sera donné à l’opéra de Rouen du 20 au 26 janvier 2019, une foultitude de propositions nous est venue tant cet opéra comporte d’originalités uniques. « 40 ans de succès ininterrompus à l’Opéra de Paris ». « La fièvre parisienne du Johnny Halliday de l’époque » « Rossini Grand Prince du copié Collé » « Naissance d’une œuvre de circonstance économique » « La première des opérettes » Et bien d’autres idées qui, nous l’espérons, vous mettrons l’eau à la bouche.

Nous sommes le 22 août 1828. Rossini, la coqueluche de toute l’Europe est l’idole de Paris. Une incroyable frénésie s’est emparée de la capitale des beaux-arts depuis l’arrivée de l’Italien. Compositeur à succès dès l’âge de 18 ans, Rossini parcourt l’Europe, est invité à composer à un rythme effréné de ville en ville. 40 opéras entre 1810 et 1829. 40 succès faits de nouveautés et de réemplois. Rompu à la technique que nous appellerions le « copié-collé » (comme Bach du reste), le prodige qui, un an plus tard, se taira lyriquement à jamais, va composer en un temps record un opéra de circonstances « économiques » en réemployant son précédant opéra de circonstance historique, Il viaggio à Reims, donné seulement quatre fois malgré l’immense succès de l’œuvre.

Mais Giaccomo n’est pas un bricoleur qui rapiècerait maladroitement de bonnes pièces pour tisser un patchwork de pots-pourris. Le maître réutilise les succès avec à chaque fois un nouvel esprit qui l’affranchit prodigieusement du rapport au texte. Pour lui, du reste, la musique doit se suffire à elle-même et ne doit surtout pas s’enfermer dans la dépendance du texte. Elle porte l’ambiance, l’émotion, elle donne au public un espace émotionnel qu’il doit s’approprier par le texte. Renversement de perspective par rapport au décorum descriptif baroque par exemple.  Mais Mozart ne fit pas autrement, par exemple lorsqu’il voulut ridiculiser, par la musique, le livret un tantinet misogyne de Da Ponte dans Cosi Fan tutte.  

Le voyage à Reims, composé pour le sacre de Charles X, est très vite retiré, par le compositeur, le sacre étant passé. Rossini cherchait à redonner les grandes plages de son dernier succès dans une nouvelle composition. A cette date, l’opéra italien à qui était réservé les œuvres italiennes et donc celles de Rossini connaissait de graves difficultés financières. Placé depuis quelques années sous l’autorité de l’opéra de Paris, les succès de Rossini rejaillissaient financièrement sur les finances de l’institution royale. Mais voilà, la fin de la collaboration programmée allait représenter un important manque à gagner. Il fallait donc attirer l’italien à l’Opera de Paris. Avec un pont d’or à vie, Rossini se mit au travail pour composer son premier opéra en français. Il entreprit deux compositions simultanément, les deux dernières avant son retrait définitif. Pour des raisons économiques, Guillaume Tell, pensé comme grandiose en tous points, devrait attendre un an. Il fallait tout de suite une production plus sobre qui ne reposerait que sur le talent des chanteurs. Ainsi les contraintes du réemploi du voyage à Reims étaient posées. Il restait à Rossini à s’entendre avec l’autre coqueluche française, le librettiste Scribe. On se mit d’accord sur un autre réemploi, celui d’un vaudeville d’Eugène Scribe, le Comte Ory.

Les ingrédients du succès étaient réunis. Et la critique ne s’y trompas point, y compris le sévère Berlioz qui consacra le Comte Ory, « une des meilleures partitions de Rossini ». Rossini exigea qu’un premier acte soit ajouté au texte de Scribe. L’auteur s’employa donc à cette première partie qui est musicalement une reprise adaptée du Voyage à Reims. Conçu pour 14 voix (dont 13 solistes), Il fallait revoir la partition du Voyage pour moins de chanteur et pour chœurs. Vous pourrez admirer la transformation notamment le final du l’Acte I, Il gran pezzo concertato. Si le premier acte est une reprise choisie du Voyage, avec une seule pièce ajoutée (le duo entre Isolier et Ory), l’Acte II en revanche est une création originale, sur le texte original de Scribe. Seules deux reprises viennent du Viaggio. Le Viaggio qui était dans le pur style de l’opéra-bouffe italien. On a pu le comparer à un feu d’artifice du genre. Ainsi la base musicale du Comte Ory est l’âme de l’opéra italien dont les Français avaient privé sous l’Ancien- Régime, pour une bête querelle. Mais l’intrigue est cet esprit frivole mais jamais vulgaire en vogue dans les compositions françaises de l’époque. Sans être non plus l’opéra-comique puisqu’il n’y a pas de dialogues parlés, l’esprit est bien français jusque dans cette projection médiévale, un rien troubadour, à laquelle Stendhal, grand admirateur de Rossini, son Napoléon de la musique, consacra ses « Chroniques italiennes ».

On retrouve dans le Comte Ory toutes les ficelles à succès des vaudevilles. Histoires parallèles qui se croisent, se heurtent et se solutionnent entre elles. Croisement de classes des maîtres et des valets, amours sincères et frivoles, pureté et lâcheté, courage et libertinage sont ici traités, dans le plus pur esprit français, sur la cime de la pudeur et du libertinage, sans l’ombre d’une vulgarité déplacée, où le suggestif sert le comique tout autant qu’il s’en sert pour faire triompher, comme il se doit, l’amour vrai !

Maintenu jusqu’en 1864 sans interruption, le Comte Ory est l’un des plus grands succès de l’opéra. Mixte, à la croisée de divers styles et genres, on y voit parfois les prémices de l’opérette qui aura tant de succès en France avec Offenbach.

Cyril Brun

Vous pouvez retrouver l’argument ici

Et avec notre partenaire Cyrano.net allez plus loin sur La querelle des bouffons


Mam’zelle Nitouche, du rire sans éclat

Une rare opérette à Rouen

Représentation du 30 novembre 20 heures – Théâtre des Arts, orchestre de l’opéra, direction Christophe Grapperon, mise en scène Pierre-André Weitz

Le temps où les opérettes scandaient la vie musicale rouennaise, à l’opéra comme dans ce théâtre proche de la place des Carmes est bien révolu et un vaudeville-opérette est devenu un évènement sur nos bords de seine. Pourtant, le théâtre des Arts n’était pas plein pour venir voir cette pièce d’Hervé, qui insuffla en son temps une mode et fit tant de profit dans l’opérette comme dans d’autres genres. Le parti pris de donner l’œuvre dans son contexte d’origine n’en rendait que plus saillant le comique de situation à la fois burlesque et bouffon. Pour autant, la mise en scène demeurait lourde et malgré le rythme de l’écriture et des gags, semblait traîner en longueur, d’autant plus que les pas, les danses n’étaient pas correctement réglés, laissant une décevante impression d’amateurisme. L’orchestre, relégué au second rang était pour ainsi dire inexistant, malgré sa bonne qualité d’interprétation, mais non sans lourdeur lui aussi. Le comique de situation, l’intrigue suffisaient cependant à porter le rire et la détente d’un public amusé et conquis par de très belle voix, toutes parfaitement posées qui ont pu tirer vers le haut un spectacle que menaçait réellement l’ennui. 

Cyril Brun

Quand la boite à joujoux devient boite à musique

Une originale façon de faire comprendre la musique

Concert entendu le 23 novembre 2018 (création) – Théâtre des Arts – Orchestre de l’opéra – dessins Grégoire Pont- texte, André Manoukian

E-TON-NANT ! Pour le centenaire de la mort de Claude Debussy (voire notre article dans notre numéro de décembre 2018) et à l’approche de Noël donnée la Boite à joujoux n’a rien d’étonnant. Recréer l’œuvre avec d’autres dessins que les orignaux d’André Hellé, dans une mise au goût du jour, reste exceptionnel, mais là encore rien d’étonnant sinon que la technique du dessin animée en direct, sous la plume créative de Grégoire Pont, produit un effet improvisé d’une grande fraîcheur. Réécrire l’histoire du petit soldat à partir de la trame du compositeur relève tout de même d’un pari osé pour un concert destiné à des enfants. Mais exprimer la substantifique moëlle de la musique, dans un traité de musicologie à usage des enfants, au détour d’une histoire que papa André Manoukian raconte au coin du feu à ses enfants, là disons-le chapeau bas ! Toute l’histoire de l’harmonie, comprise en tension résolution de la dominante sur la tonique… bon là j’ai perdu les non-musiciens par mon discours savant et j’échoue à exprimer l’âme même de cet art qu’André Manoukian, rend simplement évident ! Un concert pédagogique l’air de rien où l’orchestre se fait complice avisé, portant avec une agréable fraîcheur l’interprétation musicale. Impeccable propreté du jeu, netteté de toutes les finissions ont rehaussé d’une grande clarté la partition d’un Debussy si attentif à la sonorité propre de chaque instrument voulu pour lui-même, comme un concert de solistes en symbiose.

Cyril Brun

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