Pour être tout de suite honnête, nous avons voulu donner un titre positif à la représentation d’Eugène Onéguine à l’opéra de Rouen, mais il nous a fallut attendre les dernières minutes pour en trouver le motif.
Tout au long de la soirée, l’impression dominante a oscillé entre « une mise en scène confuse » et « complètement à côté de la plaque ». Et si c’est bien ce qui a présidé à cette interprétation de l’œuvre de Tchaïkovski, il faut reconnaître que l’extrême fin de la dernière scène était d’une très grande profondeur émotive due à une très grande qualité d’interprétation, de voix et de puissance des deux solistes, Anzhelika Minasov, profondément grande et grave en Tatyana et de Konstantin Shushakov, Onéguine bouleversant de réalisme.
Cette sortie par le haut est d’autant plus inattendue que tout l’opéra s’est noyé dans la confusion. On cherche Tchaïkovski dans les ajouts politiques, on peine à voir la psychologie des personnages, thème pourtant central de l’œuvre, dans le brouhaha d’une mise en scène aux antipodes de la simplicité voulue par le compositeur.
A dire vrai, la surcharge de décors et de personnages sur scène noyait les individualités, là où elles étaient écrites pour ressortir, de sorte que les voix se succédaient en pièces plus isolées que les scènes découpées par le compositeur lui-même. Des voix dans l’ensemble pourtant belles et imposantes, parfois fragiles, souvent intenses. Mais toutes perdues dans un galimatias informe de surcharge scénique et plus encore de décalage entre les paroles et la mise en scène.

L’orchestre pour sa part semblait vouloir jouer seul une suite symphonique souvent bien éloignée de ce qui se passait sur scène, mais d’une agréable facture quoique l’interprétation ait misé essentiellement sur les reliefs sonores et les nuances, plus que sur la tension harmonique pourtant pensée pour souligner le drame, il est vrai totalement brouillé par la confusion scénique.
Mais, le dernier tableau, précisément dépouillé de mise en scène dans le simple face à face des deux amants, comme l’avait pensé Tchaïkovski, donna, lui, toute sa puissance dramatique, mettant en relief et les voix et l’orchestre, pour emporter d’un souffle coupé toute la salle au cœur même du désespoir d’Onéguine.
Spectacle entendu le 24 mai 2019 Théâtre des Arts
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