En 1998, il crée l’orchestre de l’opéra de Rouen qu’il dirige jusqu’en 2010. Douze années durant lesquelles Oswald Sallaberger découvre Rouen, une ville dont il n’hésite pas à comparer la richesse à celle de sa ville de Salzbourg. Née d’une expérience musicale et de rencontres originales, La Maison illuminée est, pour l’artiste autrichien, l’occasion d’une nouvelle carrière au service d’une certaine idée de la musique, de sa puissance, de son rôle et de son apport dans la formation humaine des jeunes et des moins jeunes. Depuis longtemps nous souhaitions présenter à nos lecteurs cette belle maison dont le succès tient peut-être à cette incessante recherche de la note bleue.

Rouen sur Scène – Oswald Sallaberger, vous êtes le directeur artistique et musical d’une jeune formation aux contours informels qui se produit de plus en plus fréquemment sur Rouen, La Maison illuminée.
Oswald Sallaberger – Oui, comme vous dites les contours sont informels. Ils se construisent petit à petit à partir d’une idée de départ, ou d’une envie de créer un programme en musique lié à une thématique artistique ou culturelle plutôt. La Maison illuminée est née il y a environ cinq ans, mais c’était quelque chose qui murissait depuis le temps où je dirigeais l’orchestre de l’opéra. Nous allions parfois jouer « hors les murs » à la rencontre du public, ce qui correspond pour moi à une nécessité de partager la musique pour tous. Il y a une rencontre musicale mais surtout humaine. De la place du chef, le public et l’orchestre sont en miroir et c’est pourquoi, le jeune public donne un sens et un son nouveau à la réception d’un morceau. Le compositeur est un passeur, il dit des choses et sa composition s’actualise par l’énergie du moment présent. Finalement la forme du concert est un moyen de construire des conditions pour que cette rencontre soit réussie et la plus belle. Et La Maison illuminée, qui n’est pas une structure formelle, c’est le moyen de ce concert rencontre. C’est une réponse qui s’adapte au besoin de partage, comme un spectacle d’ouverture.

RSS – C’est pour cela que La Maison Illuminée est un ensemble à géométrie variable ?
O.S.– En effet, selon les besoins du concert et pour opérer au mieux ce partage La Maison illuminée
est un ensemble qui accueille différents artistes dans cet esprit de transmission et de partage.
Depuis sa création nous avons déjà reçu une cinquantaine d’artistes, chanteuses et chanteurs, et artistes musiciens qui aiment revenir et partager leur expérience, parler de leur instrument, de leur musique. C’est ce que permet ce rendez-vous qui précède certains concerts, La Cabane Illuminée. Le concert spectacle, si on veut, est une rencontre musicale pour les artistes, nous passons une journée de partage, et aussi pour le public. Chaque concert public est différent. Ce format nous permet et peut-être nous impose de ne proposer que des moments uniques.
Ce qui représente un investissement très important. Lorsque nous avons donné au festival Vibrations, en août dernier, les symphonies de Beethoven, réécrites par Hummel, ce fut un très gros travail pour un unique concert. Il faut dire que le choix d’un programme est une longue maturation à plusieurs. Nous prenons en compte le lieu, l’actualité du lieu, mais aussi l’aspiration des organisateurs pour créer un programme sur mesure et donc forcément unique. Les artistes qui rejoignent La Maison Illuminée choisissent librement d’entrer dans cette démarche et finalement le public aussi, comme en miroir. C’est un peu l’esprit de salon du XVIIIème siècle. C’est aussi une époque de transition, ce que nous essayons de transcrire par le choix de nos projets.
RSS – Ce qui crée cette ambiance unique finalement, cette sincérité de la démarche, comme de l’instant partagé. Un peu cette note bleue que cherchait Chopin pour donner le ton de ses soirées amicales. Alors votre programmation est très rouennaise.
O.S.– Oui parce que c’est le lieu de notre origine et parce qu’il y a à Rouen une très grande richesse artistique et culturelle, un foisonnement historique et actuel dont on n’a peut-être pas toujours conscience. Alors La Maison Illuminée s’incarne beaucoup en lien avec l’immense patrimoine rouennais et normand comme aux concerts à la chapelle Corneille ou à l’Eglise Saint- Maclou et je cherche des partitions qui répondent à cette atmosphère et aux partages. Alors j’essaye de mettre quelque chose de normand ou de rouennais dans chaque concert, avec ce regard croisé du classique et du contemporain. Nous donnons une bonne vingtaine de dates par an dont la moitié sur Rouen et ce sont presque toujours des créations uniques.
Vous savez La Maison illuminée c’est un spectacle vivant grâce à de nombreux artistes partenaires, des bénévoles, des structures territoriales et d’autres partenaires.
RSS – Quels sont les projets et programmes pour 2019 ?
O.S. – Nous ferons l’ouverture de la saison avec La Maison ouvre et ses sons Illuminent le printemps, le 26 mars prochain à Saint-Maclou, pour Belle harmonie poétique avec plein d’espérance, un programme romantique allemand composé avec l’Institut Goethe et l’Académie de Rouen, une conférence – concert en allemand lors de de la journée culturelle germanophone à l’université, puis un concert Schumann, Bach, Weber à Saint-Maclou autour de l’art et de la voix du jeune et très brillant ténor français Enguerrand de Hys.
Les 17 – 19 mai, il y aura bien entendu le 4e weekend illuminé Rouen goes New York à la chapelle Corneille – Opéra de Rouen Normandie. Pendant l’Armada en juin, le 13 exactement, nous ferons l’ouverture de la saison d’été de nos jeudis de Saint-Maclou en Lumières transversales qui est un rendez-vous avec le public et cette église que j’aime beaucoup. Elle est extraordinaire ! Cette année avec au programme Troubadours en lumières (Armada), La flûte enchantée 1 et 2, Solos en Miroir, Intemporelles sonorités
RSS – La Maison illuminée se construit, se compose en fonction du programme, mais il y a déjà des grands rendez-vous récurrents.
O.S. – Oui en effet. Je parlais des jeudis de Saint Maclou mais il y a également les week-ends illuminés que nous donnons à la Chapelle Corneille. Généralement trois programmes en évolution surun même thème. Depuis octobre dernier il y eu Une symphonie, sinon rien, Musique du temps de l’Avent, Lumières à la chandeleur, et en annonce Rouen goes New-York, la rencontre transatlantique de l’art d’Erik Satie (avec le formidable Paul Beynet au piano) avec celui de John Cage (les sixteen Dances – Navarasas). Et puis nos rendez-vous avec l’Académie et l’institut Goethe, les Cabanes illuminées, Dialogue entre les arts du rectorat au collège Saint-Saëns. Nous continuons à collaborer avec la maîtrise Saint-Evode de la cathédrale de Rouen, la Maîtrise du conservatoire, l’ensemble vocal les Affinités électives, dirigés par Pascal Hellot.
La Maison Illuminée sera en tournée en mars à Roanne, avec Beethoven illuminé, en juin avec Mozart/Reich à la Seine Musicale, La naissance d’un concert et La magie de noël en lien avec la Galerie Desbiolles à Saint-Crespin, au festival Vibrations en mois d’août avec WAM 2.
Nous allons bientôt construire une deuxième édition de La Ville (Métropole) aux cent clochers, L’équinoxe en paix et nous sommes conviés à réfléchir pour un concert spectacle en hommage de Jeanne d’Arc 2020, nous allons répondre à l’appel au projet de Normandie impressionniste ainsi que nous associer au Beethoven Pastoral Project (l’Unesco) et travailler la partition du Printemps des Quatre saisons de Vivaldi étoffée par des voix en version cantate de Michel Corrette grand rouennais du XVIIIe siècle. Pour accompagner et communiquer l’esprit et le travail je cherche des partenaires afin de proposer ensemble des rencontres – master-class destinés aux amateurs ,à tout public et aux jeunes professionnels.

RSS. – Un mot pour conclure ?
O.S. – Peut-être, la clef de lecture de La Maison illuminée c’est de créer et de faire vivre la magie au moment de la rencontre avec le public.
Rouen le 19 février 2019. Propos recueillis par Cyril Brun
