BRIGA aux confins septentrionaux de l’Empire une ville romaine se révèle,

L’Académie des sciences, belles lettres et arts de Rouen a tenue le samedi 18 décembre 2021, à l’Hôtel des sociétés savantes, sa traditionnelle séance des prix. Plusieurs ouvrages ont été distingués (dont nous aurons le plaisir de rendre compte dans les jours à venir).

Ce livre a reçu le Prix la Reinty, de l’Académie des sciences belles lettres et arts de Rouen. Ouvrage publié sous la direction d’Étienne Mantel, Jonas Parietas et Laurence Marlin

Catalogue de l’exposition présentée au Musée des Antiquités de Rouen, ce beau livre vise à faire connaître, bien au-delà de l’exposition, ce qui en fait tout son mérite, une ville romaine longtemps oubliée, au cœur de la forêt d’Eu, au lieu-dit le Bois-l’Abbé. Si des trouvailles, puis des fouilles avaient montré depuis le XVIIIe siècle la présence d’un site antique, ce sont les fouilles du XXIe siècle qui ont révélé qu’une ville s’étendait là et, en 2006, une inscription en a fait connaître le nom : Briga.

Quatre chapitres traitent de l’histoire des découvertes, des origines de Briga, de sa monumentalisation aux Ier-IIIe s. puis de son déclin à l’Antiquité tardive, enfin de sa « renaissance » au XXIe siècle grâce à l’archéologie adossée aux nouvelles technologies, au service de la problématique qui ouvre de belles perspectives de recherche.  

 En tête de l’ouvrage cartes et plans de grande qualité, ainsi qu’une frise chronologique, permettent de situer d’emblée dans l’espace et le temps la ville de Briga.

 L’état actuel des connaissances est exposé de manière claire et accessible à tous, complété par des fiches thématiques (les panneaux de l’exposition). Les objets sont présentés par chapitre ; ce sont souvent des fragments qui permettent de reconstituer des monuments. Plans, photos des vestiges au sol, photos aériennes, reconstitutions en 3 D révèlent ce que fut la ville de Briga à son apogée au milieu du IIIe siècle.

L’étude de l’occupation permanente du site sur le plateau de Beaumont dominant la basse vallée de la Bresle, sur le territoire des Bellovaques, peuple celtique connu par César, éclaire le processus de peuplement de cette partie septentrionale de la Seine-Maritime. Après la conquête romaine, une enceinte fortifiée est mise en place autour d’un site civil comportant un lieu de culte et un habitat assez fruste qui se structure peu à peu ; activités artisanales et commerciales sont attestées ainsi que l’assimilation d’un mode de vie italique et de pratiques alimentaires méditerranéennes : on consomme désormais à Briga de l’huile d’olive, du vin, et du garum.

Fin Ier-début IIe s., puis au début du IIIe s., une élite urbaine romanisée a les moyens de développer une vraie ville romaine : réaménagement de l’enceinte fortifiée, aménagement d’une vaste place publique, monumentalisation des édifices publics dont la restructuration du temple central où Mercure, après Lugus, est vénéré, création d’une longue basilique civile, lieu d’activités économiques. Développement de l’habitat en plusieurs quartiers, dont les archéologues ont entrepris prospection et fouille en vue de connaître, autant que possible, l’organisation urbaine et la vie quotidienne.

En l’absence de textes, les auteurs ont su tirer le meilleur parti des découvertes archéologiques pour montrer comment l’évolution des monuments exprime l’évolution de la ville, sans pouvoir en dire plus, s’interrogeant avec prudence sur les causes d’un déclin évident dans les années 275-290 dans le cadre d’une désertion généralisée de la région.

« Dévoiler cette ville de Gaule Belgique » … « mettre en lumière l’antique Briga » telle est la mission que des équipes successives poursuivent avec passion, compétence et succès. Ce livre en est l’expression.  Il mérite bien le prix que l’Académie lui décerne aujourd’hui et fera la joie des lecteurs qui découvriront un pan du passé de notre région.

Françoise Thelamon

BRIGA aux confins septentrionaux de l’Empire une ville romaine se révèle,

Réunion des Musées Métropolitains Rouen Normandie, Silvana Editoriale, Milan, 2020, 224 p.

Vous pouvez trouver ce livre en suivant ce lien

Classique pour tous en Normandie – Vibrez solidaire

“Vibrez solidaire” Tel est le titre de la première saison de Classique pour tous en Normandie, un projet de concerts solidaires auprès des personnes empêchées que sont les pensionnaires des maisons de retraite.

Un projet en construction pour la saison 2019/2020 et qui prévoit de s’étendre aux 5 départements normands.

Le principe est simple, programmer 32 concerts pour financer 28 concerts en maison de retraite.

L’occasion de mettre en valeur les jeunes artistes et de permettre une rencontre intergénérationnelle.

L’occasion aussi d’offrir des concerts de grande qualité dans les lieux reculés de nos campagnes et de prévoir des rencontres avec les écoles de musiques

Ce projet demande des bénévoles, mais aussi des fonds. Alors n’hésitez pas à contacter la rédaction de Rouen sur Scène, partie prenante de cette initiative, dont la direction artistique est confiée à Cyril Brun.

Le programme est actuellement en construction, mais il est déjà prometteur.

Pour en savoir plus c’est par ici sur le site de Classique pour tous en Normandie

contactez-nous rdlt.rouensurscene @ gmail.com

Camille Saint-Saëns et la Normandie

Né en 1835 à Paris et décédé à Alger en 1921, Saint-Saëns était de souche normande. La puissance géniale de ses gestes virtuoses au clavier (piano, orgue…) a fait de lui un artiste extrêmement doué, très célèbre de son vivant. En 1861, il éblouit Wagner par ses dons inestimables alors que Berlioz le qualifiait, en 1867, de « maître pianiste foudroyant ». Si Liszt le saluait comme « le premier organiste du monde », Debussy disait qu’il était l’homme qui savait « le mieux la musique du monde entier ».

Huilede Benjamin Constant – 1898 (Musée de la musique) 

Admiré par tous, cet infatigable voyageur a séduit autant les auditeurs de Stockholm que de Ceylan et captivé autant les publics d’Athènes que de Tunis… Étonnamment incessantes pour l’époque, toutes ces pérégrinations (Italie, Allemagne, Russie, Scandinavie, Amérique du Nord et du Sud… en tout, 27 pays ont été répertoriés), toutes ces tournées ont pu être documentées au travers de l’innombrable correspondance léguée au Château-Musée de Dieppe, patrie d’origine de son grand-père (cultivateur à Rouxmesnil) et de son père (décédé deux mois après sa naissance). Malgré cette vie passée aux quatre vents, la France resta le pays de son cœur. Ne créa-t-il pas, en 1871 à Paris, la Société nationale de musique dont la devise « Ars Gallica » concernait l’école française qui couronnait les œuvres de Chabrier, Debussy, Dukas, Ravel… ? S’il a écrit, parmi des centaines d’opus, Trois Rapsodies sur des cantiques bretons pour orgue (1857) ou une Rapsodie bretonne (1891) pour orchestre… il n’a honoré musicalement la Normandie que par petites touches symboliques. Dans cette veine, citons par exemple la Saltarelle (1885) pour chœur d’hommes. De fait, conçue d’après une poésie de Deschamps, la pièce vocale a été affectueusement dédiée à « La Lyre Havraise ».

Curieusement, la pièce la plus célèbre de Saint-Saëns est le Carnaval des animaux (1886). À l’origine, cette fantaisie n’était qu’une petite « plaisanterie » privée, sans véritable intérêt… En effet, cette suite instrumentale a juste été composée pour illustrer un petit concert privé à l’occasion des fêtes du Mardi-Gras. Afin d’agencer avec un caractère léger cette série de pièces parodiques et satiriques, il s’était notamment plu à contrefaire des passages légués par les plumes de Berlioz et de Rossini, d’Offenbach et de Mendelssohn… De surcroît, craignant que cette pochade nuise à sa réputation, il avait condamné toute représentation de l’œuvre de son vivant. Pour preuve, dans une correspondance avec son éditeur datée du 20 août 1906, le compositeur s’était insurgé : « En arrivant à Dieppe, j’ai appris avec stupeur qu’on allait exécuter le Carnaval des animaux au Casino. Je m’y suis immédiatement opposé ; quel est ce mystère ? Comment a-t-on autorisé cette exécution et comment ne m’as-tu pas demandé mon avis à cette occasion ? Cela est tout à fait incompréhensible »…

Omniprésent dans la vie artistique (et même politique) française, à Paris comme en province, Saint-Saëns a donné, en 1866, un concert sur l’orgue de la cathédrale de Rouen et présidé, en 1875, un Concours d’excellence musicale organisé par la ville d’Évreux. En 1897, l’inauguration du Casino de Dieppe va donner lieu à l’interprétation de son Septuor (1881). Très au fait de l’actualité de la création musicale, le Théâtre des Arts de Rouen a accueilli bon nombre d’opéras et de tragédies lyriques du vivant du musicien : relevons par exemple les mises en scène d’Étienne Marcel (1885 en présence du compositeur), Javotte (1897 – reprise à Dieppe, 1909), La Princesse jaune (1906), Déjanire (1912), Phryné (1920)… Cet établissement situé non loin de la Seine avait même monté, en 1890, le fameux Samson et Dalila. Il s’agissait de la « première » française, car la création mondiale avait été réalisée à Weimar, treize ans auparavant. Si les Normands ont pu applaudir le maître à Deauville (où il a triomphé avec sa Rapsodie d’Auvergne), ils ont pu également le croiser à Houlgate, en 1914. Au cœur de cette cité côtière, il avait tenu à donner un petit concert « au profit des blessés », avouant naïvement que c’était « pour les distraire »…

De plus, à lire les lettres et à déchiffrer les cartes postales de ce compositeur adressées à son éditeur parisien Durand, il est aisé de dire que, dès avril 1889, Saint-Saëns passait régulièrement la belle saison sur la côte dieppoise. Fait rarissime dans la vie d’un artiste, le musicien avait eu l’insigne gloire, en 1907, de participer à l’inauguration de sa propre statue dans sa ville d’adoption. Il s’agissait d’une sculpture en bronze exécutée par Marqueste et représentant l’artiste assis (l’œuvre était érigée devant le théâtre, elle a été fondue par l’occupant en 1942).

Bronze de Laurent Marqueste (© Musée d’Orsay – Fonds Debuisson)

À la fin de sa vie, un remarquable concert monographique a été présenté au Casino de Dieppe, à l’occasion de ses 75 ans de carrière pianistique. Il y joua notamment une transcription pour piano de l’Élégie écrite en 1920, ce fut sa dernière prestation en public. Réunissant des pièces de toutes époques, le programme comportait également sa 2e Symphonie (1859), la Marche héroïque (1870-71) et Odelette (1920) pour flûte et orchestre. Après tant de festivités, on peut alors comprendre pourquoi l’actuel conservatoire de musique de Dieppe a été baptisé « Camille Saint-Saëns », des dizaines d’œuvres du maestro ayant été données de son vivant par les plus grands interprètes du moment.

La ville de Dieppe a toujours été pour Saint-Saëns un véritable havre de réconfort. Après la mort de sa mère en 1888, il s’était installé dans cette cité maritime où un musée portant son nom avait été créé en 1890. Grâce à son cousin qui était bibliothécaire municipal, l’artiste avait été incité à faire don de ses manuscrits, de ses livres, de ses meubles (dont son premier piano), de ses objets d’art (parfois offerts par ses admirateurs) et de ses tableaux, dessins, estampes, diplômes, médailles… Rassemblant les effets du compositeur jusqu’à sa mort en 1921, l’ensemble constitue aujourd’hui un véritable « musée dans le musée »…

Sculpture-charge de Saint-Saëns (Château-Musée de Dieppe)

Dieu merci, la musique de Saint-Saëns est encore programmée au XXIe siècle (y compris jusque sur les marches du Festival de Cannes…). En Normandie, son art est toujours sporadiquement présent au cœur des villes musiciennes (ainsi que dans le répertoire de nos jeunes apprentis musiciens). Ces derniers temps, on a ainsi pu entendre quelques mélodies du compositeur résonner à Caen, Rouen, Ourville-en-Caux, Cherbourg-en-Cotentin, Deauville, Vernon, Le Havre…

Serait-ce alors un vœu pieux que d’espérer que la Normandie rende à nouveau honneur à ce truculent personnage, en n’oubliant aucunement l’anniversaire du centenaire de sa disparition ? Préparez-vous, ce sera en 2021 !

Pierre Albert Castanet,

professeur de musicologie à l’université de Rouen Normandie

Les chercheurs normands en pointe pour la protection des animaux utilisés à des fins expérimentales

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On entend fréquemment des voix s’élever contre l’expérimentation animale. Nous avons demandé au Pr Hubert Vaudry, fondateur, longtemps Président et actuel vice-Président du Comité d’Ethique NOrmand en Matière d’EXpérimentation Animale (CENOMEXA), de nous éclairer sur le sujet.

Rouen sur Scène  L’expérimentation sur animaux vivants permet-elle de réels progrès dans le domaine biomédical?
Hubert Vaudry – Pour répondre à cette question, il suffit de rappeler que plus de la moitié des lauréats du Prix Nobel de Physiologie et de Médecine ont utilisé des modèles animaux dans leurs travaux. L’expérimentation animale est indispensable pour comprendre les mécanismes physiopathologiques, tester l’efficacité et l’innocuité des médicaments, développer des vaccins pour l’homme et les animaux, mettre au point de nouvelles techniques chirugicales ou encore étudier les effets des contaminants environnementaux sur les êtres vivants.Les progrès de la médecine, réalisés en grande partie grâce à l’expérimentation animale, ont permis d’augmenter considérablement l’espérance de vie qui était en France de 50 ans au début du XXème siècle et qui s’établit aujourd’hui à 80 ans pour les hommes et 85 ans pour les femmes.

RSS  La législation actuelle encadre-t-elle suffisamment l’expérimentation animale?
HV – Une première  directive européenne sur la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques a été adoptée en 1986, puis renforcée dans une nouvelle directive en 2010. Elle est transposée dans le droit français par le décret 2013-118. Cette réglementation s’appuie sur le “principe des 3R” qui consiste à Réduire, Remplacer et améliorer (“Refine” en Anglais) autant que faire se peut l’emploi des animaux en recherche. L’expérimentation animale est de loin la forme la plus réglementée de l’utilisation des animaux dans les sociétés occidentales.


Les souris C57BL/6 sont fréquemment utilisées comme modèles animaux des pathologies humaines. Pour leur bien-être, les animaux sont hébergés en milieu enrichi avec, par exemple, divers objets de couleur. Photo: Arnaud Arabo.

RSS – Quelles sont les principales règles qui encadrent l’expérimentation animale?
HV – Un projet de recherche impliquant l’utilisation d’animaux ne peut démarrer qu’après avoir obtenu l’autorisation du Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Les agents qui manipulent les animaux doivent avoir les compétences correspondant à leur niveau d’intervention. Ils doivent aussi suivre des formations continues pour maintenir et actualiser leurs compétences. Les expérimentations animales ne peuvent être réalisées que dans des locaux agréés qui font l’objet d’une visite approfondie par les inspecteurs vétérinaires départementaux. L’agrément des locaux, qui dépend du Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, n’est valable que pour 6 ans. Les animaux destinés à être utilisés dans les procédures expérimentales doivent provenir d’éleveurs et de fournisseurs agréés. L’expérimentateur doit choisir les espèces les moins susceptibles de ressentir de la douleur, de la souffrance ou de l’angoisse. Il doit enfin utiliser le nombre minimal d’animaux pour obtenir des résultats fiables. De fait, on constate en France une diminution significative du nombre d’animaux utilisés en recherche, qui est passé de 4,8 millions en 1984 à 1,9 million en 2017.

RSS  Quelle est la fonction des comités d’éthique en expérimentation animale?
HV – Tout projet de recherche impliquant l’utilisation d’animaux vivants doit faire l’objet d’une demande d’autorisation préalable. Les Comités d’Ethique en Expérimentation Animale (CEEA) sont reconnus comme autorité compétente pour l’évaluation éthique des demandes. Il existe en France 126 CEEA dont le Comité Normand, le CENOMEXA, qui fut l’un des tout premiers CEEA mis en place. Chaque comité est constitué de vétérinaires, de chercheurs, d’expérimentateurs, d’animaliers et de personnes du corps social témoignant d’un intérêt pour la protection animale. Toutes les demandes d’autorisation de projet sont évaluées de manière rigoureuse avec le souci constant d’aider les chercheurs à mettre en oeuvre de la règle des 3R. 

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