Cuba vu du Jazz – Du très haut niveau au conservatoire de Rouen

Rouen s’est hissé depuis plusieurs années parmi les grandes villes « jazzfriendly ». Et les rappels impératifs auxquels ont dû se soumettre les musiciens du Yilian Canizares Quintet, n’en ont été qu’une triomphale démonstration. Si les amateurs de Jazz s’étaient entendus pour dire que la belle soirée avec Hugh Coltman n’était pas vraiment du Jazz, hier soir, au contraire nous avons eu du grand Jazz. Un Jazz vivant, traversant d’autres styles, mais incontestablement du Jazz. Le genre blues swingué habitait presque chaque partition, mais plus encore le souffle d’improvisation des cinq musiciens donnait lieu à de véritables dialogues improvisés. Si le batteur était époustouflant et si nous voudrions tous les citer, c’est au pianiste que nous voulons tirer notre révérence. Fougue, éclat, rythme, diversité servis par un touché jamais heurté, toujours soyeux, sans oublier d’être saillant.

Mais d’une manière générale, il faut souligner l’extraordinaire propreté de l’exécution. Un ensemble parfaitement rodé, sans aucune aspérité, sans baveuses coulées. Un swing d’une fougueuse unité où l’on comprend le lien qui a pu être fait plus d’une fois entre l’arithmétique baroque huilée et le jazz aux contours plus déhanchés. Les qualités instrumentales et exécutives du meilleur quintette classique au service de l’élan et de l’impro jazzée. Un régal pour les esthètes du genre auquel s’ajoute une composition d’une très grande richesse. Richesse de style et d’émotion, richesse d’images musicales, mais aussi richesse des structures mêmes de l’écriture.

Les fleurs qui pleuvent sur Yillian Canizares ne sont pas volées. Une grande voix du jazz, alliant profondeur du timbre et fragilité du pianissimo un grand violon du swing qui crée son style en habitant l’héritage afro-cubain de l’âme du jazz, à moins que ce ne soit l’inverse. Comme souvent face à l’exotique, (voir notre article d’octobre 2018) le verbe se trouve muet à dire l’original.

Alors mieux qu’un grand discours, voici un voyage à Cuba vu du Jazz

Concert entendu le 1er mars 2019 – Auditorium du Conservatoire – L’étincelle – Yilian Canizares Quintet

Romain de La Tour

Victor Hugo – Un tyran de Padoue excentriquement épuisant

L’étincelle, Chapelle Saint-Louis – vendredi 15 février 2019 – 15 heures.

Dans le cadre des esquisses, ces moments de théâtre encore en construction, avant une grande représentation, comme pour tester le public, l’Etincelle recevait la Compagnie de la 6ème heure pour une version moderne et réduite de Angelo, Tyran de Padoue, une pièce parmi les plus originales de Victor Hugo. Choisie probablement pour répondre à l’un des axes annoncés de la saison de l’Etincelle, la place des femmes, la pièce met en scène tout autant deux visages de la femme, en miroir ou en symbiose, selon les angles de vues que leur vulnérabilité dans une société qui concédait une place surdimensionnée peut-être à l’homme. Pour autant cette vulnérabilité est elle-même ambivalente et les deux femmes, l’épouse comme la maîtresse, se tirent très bien des chausse-trappes de leur sexe tenant le haut de la scène en maîtresses du drame, face aux pions craintifs, jaloux ou amoureux du sexe dit fort.

Adaptée au goût du jour dans une mise en scène rendue contemporaine, le texte de Victor Hugo garde toute la puissance de son génie. Remarquablement déclamé et joué par l’ensemble des acteurs, le style excentrique d’Angelo, de sa maîtresse la Tisbe et un rien hystérique de Catarina, en plus d’être épuisant tendait à gommer la mise en abyme des deux femmes, également sans retenue ni contenance, parfois jusqu’au vulgaire, laissant de l’amour chaste de l’épouse pour Rodolfo, le sentiment d’une passion violente et compulsive, bien loin du texte.

Romain de La Tour

Avec : Rémi Dessenoix, Charlotte Ravinet, Romain Tamisier, Taya Skorokhodova, Augustin Roy, Julie Bouriche (mise en scène),