L
On entend fréquemment des voix s’élever contre l’expérimentation animale. Nous avons demandé au Pr Hubert Vaudry, fondateur, longtemps Président et actuel vice-Président du Comité d’Ethique NOrmand en Matière d’EXpérimentation Animale (CENOMEXA), de nous éclairer sur le sujet.
Rouen sur Scène – L’expérimentation sur animaux vivants permet-elle de réels progrès dans le domaine biomédical?
Hubert Vaudry – Pour répondre à cette question, il suffit de rappeler que plus de la moitié des lauréats du Prix Nobel de Physiologie et de Médecine ont utilisé des modèles animaux dans leurs travaux. L’expérimentation animale est indispensable pour comprendre les mécanismes physiopathologiques, tester l’efficacité et l’innocuité des médicaments, développer des vaccins pour l’homme et les animaux, mettre au point de nouvelles techniques chirugicales ou encore étudier les effets des contaminants environnementaux sur les êtres vivants.Les progrès de la médecine, réalisés en grande partie grâce à l’expérimentation animale, ont permis d’augmenter considérablement l’espérance de vie qui était en France de 50 ans au début du XXème siècle et qui s’établit aujourd’hui à 80 ans pour les hommes et 85 ans pour les femmes.
RSS – La législation actuelle encadre-t-elle suffisamment l’expérimentation animale?
HV – Une première directive européenne sur la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques a été adoptée en 1986, puis renforcée dans une nouvelle directive en 2010. Elle est transposée dans le droit français par le décret 2013-118. Cette réglementation s’appuie sur le “principe des 3R” qui consiste à Réduire, Remplacer et améliorer (“Refine” en Anglais) autant que faire se peut l’emploi des animaux en recherche. L’expérimentation animale est de loin la forme la plus réglementée de l’utilisation des animaux dans les sociétés occidentales.

Les souris C57BL/6 sont fréquemment utilisées comme modèles animaux des pathologies humaines. Pour leur bien-être, les animaux sont hébergés en milieu enrichi avec, par exemple, divers objets de couleur. Photo: Arnaud Arabo.
RSS – Quelles sont les principales règles qui encadrent l’expérimentation animale?
HV – Un projet de recherche impliquant l’utilisation d’animaux ne peut démarrer qu’après avoir obtenu l’autorisation du Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Les agents qui manipulent les animaux doivent avoir les compétences correspondant à leur niveau d’intervention. Ils doivent aussi suivre des formations continues pour maintenir et actualiser leurs compétences. Les expérimentations animales ne peuvent être réalisées que dans des locaux agréés qui font l’objet d’une visite approfondie par les inspecteurs vétérinaires départementaux. L’agrément des locaux, qui dépend du Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, n’est valable que pour 6 ans. Les animaux destinés à être utilisés dans les procédures expérimentales doivent provenir d’éleveurs et de fournisseurs agréés. L’expérimentateur doit choisir les espèces les moins susceptibles de ressentir de la douleur, de la souffrance ou de l’angoisse. Il doit enfin utiliser le nombre minimal d’animaux pour obtenir des résultats fiables. De fait, on constate en France une diminution significative du nombre d’animaux utilisés en recherche, qui est passé de 4,8 millions en 1984 à 1,9 million en 2017.
RSS – Quelle est la fonction des comités d’éthique en expérimentation animale?
HV – Tout projet de recherche impliquant l’utilisation d’animaux vivants doit faire l’objet d’une demande d’autorisation préalable. Les Comités d’Ethique en Expérimentation Animale (CEEA) sont reconnus comme autorité compétente pour l’évaluation éthique des demandes. Il existe en France 126 CEEA dont le Comité Normand, le CENOMEXA, qui fut l’un des tout premiers CEEA mis en place. Chaque comité est constitué de vétérinaires, de chercheurs, d’expérimentateurs, d’animaliers et de personnes du corps social témoignant d’un intérêt pour la protection animale. Toutes les demandes d’autorisation de projet sont évaluées de manière rigoureuse avec le souci constant d’aider les chercheurs à mettre en oeuvre de la règle des 3R.
