L’Escurial triomphe à La Madeleine

Lorsque Philippe II d’Espagne commande la construction du palais de l’Escurial, il précise, selon sa propre spiritualité, qu’il le veut « sobre et sans ostentation ».

Cette exigence du monarque m’est revenue en écoutant le chœur de garçons Escolania de l’Escurial. Sobre et sans inutiles fioritures, mais d’autant plus impressionnant d’excellence. C’est la pause spirituelle et musicale offerte par le Festival Courant d’Art en plein cœur de l’Armada, autre réminiscence de la puissance espagnole de l’époque philippine.

L’excellence de ce chœur n’est pas seulement technique, ni l’adorable impression que donne toujours un chœur d’enfants. Bien que jeunes, voire très jeunes, ces garçons sont d’incontestables musiciens accomplis. En effet, à la différence de tant de formations d’enfants, ils possèdent, en plus du timbre unique de la juvénilité, la musicalité, l’esprit propre à chaque composition qui n’est pas simplement exécutée, mais bel et bien interprétée et au-delà vécue intérieurement, comme un prolongement de la partition à l’âme.

De cette qualité musicale se dégage alors naturellement une maîtrise des harmoniques proche du ravissement et réellement merveilleuse dans leur relation au silence. On en vient à regretter les applaudissements trop rapides qui ne laissaient pas ces harmoniques rejoindre le silence des voutes de l’église de l’ancien Hôtel Dieu. A quelques infimes détails près tout tutoyait le parfait, les entrées vocales ne faisaient que sortir du silence pour y revenir sans heurts. Des attaques aux fins de phrase la plénitude du son ne quittait jamais la moindre note si secondaire fut-elle. Cette performance tient sans doute à ce petit détail technique ô combien efficace de chanter le « a » comme un « o » laissant à la colonne d’air toute la prise qu’une voyelle trop ouverte laisse souvent filer.

Une soirée internationale qui faisait suite à la série de concerts donnés par la maîtrise Saint-Evode de la cathédrale de Rouen et le chœur de garçons de Limanowa en Pologne. L’inédit 2019, titre de cette série de concerts au plein cœur de l’Armada s’est donc achevé par un véritable triomphe dans une église bondée.

Et un petit extrait d’un répertoire très différent de celui donné hier.