Nous avons tous joué les équilibristes sur une planche en balancier avec un ami. Nous avons tous tenté des petites figures pour faire chavirer notre frère de ce bout de bois instable. Tous, nous avons fait quelques plaisanteries à notre sœur qui s’est retrouvée, d’un coup sec, au sol parce que nous avons sauté de la planche alors qu’elle était en l’air. Jeux d’enfants, prouesses d’adolescents, poussées à l’extrême ces acrobaties sont un art qui force d’autant plus l’admiration que chacun a pu, à sa mesure, éprouver ses propres limites à ces « petits jeux ». Le cirque inextrémiste fait de la technique acrobatique une véritable maitrise artistique. Les sauts sont là, les équilibres d’une grande stabilité sur un échafaudage de planches instables sont saisissants et drôles. Car cet art du cirque n’est pas la simple accumulation d’exploits, ils sont la trame d’un spectacle drôle, plein d’humour qui réellement repoussent les limites du genre. Non sans longueurs un peu répétitives, il déchaine le rire des enfants comme des adultes, jusque dans l’exploitation du handicap qui n’est pas le dernier à s’aventurer dans l’extrême.
Donné dans le cadre de Spring, le festival des nouvelles formes du cirque en Normandie, c’est un moment de détente qui rassemble plus d’un pilier du cirque, de l’acrobatie au rire, sans oublier la tragédie clownesque du souffre-douleur dont l’injustice subie déclenche le rire tout autant qu’elle dénonce une réalité de fait, dans ce handicap parfois mal traité. Mais cet équilibre d’instable ne devient stable que par ce qui l’unit réellement, la solidarité, qui montre ici sa plus belle illustration philosophique : ce qu’un acrobate fait à l’autre bout de la planche impacte l’équilibre de toute la vie du bout de bois. Ce qu’un être humain fait au bout de la planète ou seul dans son coin à des conséquences en chaîne sur toute la planète ou le reste de son entourage.
Romain de La Tour
Spectacle vu le samedi 9 mars au Théâtre de la foudre – CDN
