Flaubert mis en musique par Beethoven

L’un naît quand l’autre meurt. Nous quittons tout juste l’année Beethoven escamotée par le Covid, pour entrer, dans une année, non moins rabotée, consacrée à Flaubert. Les sources d’un romantisme allemand imprégné de Schiller et impressionné par Goethe laissent place au romantisme existentiel et au siècle du voyage. Beethoven voulait l’Homme grand, Flaubert le ressent petit, mais le veut large, élargi aux dimensions du monde et du rêve, quand Beethoven n’eut de cesse d’affronter le réel. Un destin à prendre à la gorge pour le maître de Bonn, un fatum à fuir chez Madame Bovary ou Salambo.

La plume des notes et la plume des lettres en quête l’une comme l’autre des arcanes de l’humanité, se retrouvent entrelacées par la Maison illuminée et La Cie KonfisKé(e). Les Trois contes, œuvre finalement peu connue de l’écrivain normand, écrite en plusieurs temps, où l’on cherche l’unité, sinon dans la quête même de l’auteur, est une œuvre à la fois flaubertienne et normande, inspirée par les rencontres de l’auteur. Un vitrail de saint Julien, à la cathédrale de Rouen, un ensemble de souvenirs d’enfance, l’existentiel face à face avec Hérodias qui pourrait traverser tant de ses personnages.

Le plus abouti des quatuors de Beethoven, celui dont Schubert, tant de fois fasciné par le maitre, disait « Après cela que reste-t-il à écrire ? », le quatuor 14 en ut dièse mineur, comme musique de scène.

L’idée n’aurait surement pas déplu au compositeur dont l’art n’avait d’autre but que d’aider l’Homme dans sa quête héroïque et vertueuse vers le bonheur. Lui qui disait ne pas pouvoir composer pour des livrets qui mettent en avant le vice, trouverait ici une grande satisfaction à ce que sa musique serve une forme de quête intérieur, de conversion de l’hybris à la sobriété.

Mais comment une œuvre aussi unifiée, au point que les mouvements intermédiaires sont de véritables tuilages, comment va-t-elle servir une œuvre aux histoires aussi diverses que ces trois comptes ?

Goethe pour qui la musique de Beethoven exprimait tellement plus profondément sa philosophie est en probablement la clef de lecture : se laisser pénétrer par l’art pour ressentir l’existentiel du conte.

C’est le défi relevé par la nouvelle production de La Maison Illuminée pour une tournée qui lèvera le rideau en création à Rouen le 8 octobre prochain.

Plus d’informations sur le site de La Maison illuminée

L’opéra de Rouen, Beethoven, Haydn et Mozart à Bois-Guillaume

L’opéra de Rouen sera en tournée pour un concert exceptionnel à Bois-Guillaume, salle Guillaume le Conquérant ce samedi 14 septembre à 20 heures.

Au programme de grands moment de la musique viennoise

– l’ouverture de Coriolan Op. 62 de Ludwig Van Beethoven

– la symphonie n°40 de Wolfgang Amadeus Mozart

– le concerto pour Violoncelle n°1 de Joseph Haydn

Direction musicaleBen Glassberg a été le lauréat du 55e concours international des jeunes chefs d’orchestre de Besançon à seulement 23 ans. En 2011, il fonde the London Youth Symphony Orchestra et devient il y a un an le chef d’orchestre de la Hertfordshire School Symphony Orchestra.
SolisteVictor Julien Laferrière étudie le violoncelle au Conservatoire Supérieur de Paris et s’est perfectionné à l’université de Vienne. Vainqueur du 1er prix au concours Reine Elisabeth de Bruxelles en 2017, il est également vainqueur aux Victoires de la Muqsique classique 2018 dans la catégorie “Soliste Instrumental de l’Année”.

Réservations

Quelques mots d’explications

Toute l’école de vienne en concert à BG

Trois hommes qui semblent bien éloignés par le tempérament, l’histoire et la musique et qui pourtant forment au sens le plus strict du terme le véritable clacissisme musical. Quand nous parlons de musique classique pour désigner génériquement la musique « ancienne », nous commettons un abus de langage car la véritable musique classique se fonde et tourne autour de trois monstres sacrés piliers de « l’école de Vienne » que sont Haydn, le maître, Mozart le génie et Beethoven le génial. Ils se présentent dans ce concert sous trois formes musicales qu’ils vont bousculer, mais dont ils sont pourtant les représentants inversés. Beethoven, maître de symphonie est à l’ouverture opératique. Mozart le concertant est à la symphonie et Haydn le symphoniste de l’opéra est au concerto.​​​​​​​

Mozart, de la 40èmeau Requiem, il n’y a qu’un drame

C’est sans doute la symphonie la plus connue de Mozart. Cette notoriété n’est pas sans perturber l’appréhension de l’œuvre par le public souvent enthousiaste à l’idée d’entendre Mozart et plongé dans une joie a priori dès ces premières mesures si célèbres dont la charge émotive est pourtant aux antipodes de la gaité. Nous sommes en sol mineur, une tonalité qui prendra de plus en plus la couleur du malaise et du drame et particulièrement chez Mozart. Elle est la relative (c’est-à-dire le miroir d’une certaine façon) de Si bémol majeur, tonalité de l’espérance. Il n’y a que deux (trois si nous comptons une œuvre de jeunesse) symphonies composées en mode mineur par Mozart, toutes deux en sol. Il se trouve que des passages clefs du Requiem sont aussi en cette tonalité et notamment le Domine Jesuqui campe, sans aucune espérance, la descente aux enfers. Tel serait l’état d’esprit de Mozart lorsque peu après la mort de sa fille il compose, en quelques semaines, cette symphonie dont le second mouvement est lui en Mi bémol majeur, tonalité réservée au divin, comme une prière ou un repos espéré, malgré tout pour sa fille ?

Haydn, le concerto numéro 1 pour violoncelle, entre circonstance et charnière d’une époque

Haydn est à la fois le modèle le plus accompli et le dernier représentant d’une génération de compositeurs. Lié aux princes Esterházy qui l’employaient lui et ses musiciens, Papa Haydn, compose pour les plaisirs du prince. Symphonies, opéras, et quatuors sont fonction des occasions, du nombre des instrumentistes et de leurs possibilités. Haydn fait avec ce qu’il a, quitte à réécrire selon les opportunités. Sa musique évolue avec sa propre expérience. Ainsi, ses dernières symphonies, comme son concerto pour violoncelle N°2, bénéficient-ils des exigences développées pour l’opéra. C’est une forme plus simple qui préside à la composition du premier concerto. Haydn a peu écrit de concertos et souvent pour les musiciens qui étaient avec lui autour du prince. C’est le cas de cette pièce (redécouverte en 1961) écrite sur mesure peu après son arrivée au service du prince. Le style classique n’est pas encore formellement posé et le premier mouvement s’inscrit dans une veine baroque flamboyante qui disparaitra peu à peu de son écriture. Mais tout est là de son style, la joie, la surprise, la virtuosité et la force mélodique tissée dans l’harmonie.

Coriolan, l’héroïsme et le destin, la grande dualité de Beethoven

Le rapport de Beethoven à l’opéra est complexe. Maintes fois tenté, il ne trouva jamais l’ouvrage qui pu suffisamment l’inspirer, refusant de mettre en scène le triomphe du vice. Mais il laissa quelques superbes ouvertures, sous forme d’histoire musicale. Coriolan, général romain victorieux, mais retourné contre Rome est une de ces figures héroïques à l’époque chères au maître de Bonn. Vertueux et droit, il se présente en homme fort sous les remparts terrifiés de l’Urbs, pour demander raison de son injuste exil. Ce n’est pas de gaîté de cœur que ce grand homme assiège sa ville. La rencontre d’une double désolation imposée par ce fatum(thème de la Vème) laisse une impression obscure, endeuillée, triste, posée par Beethoven en do mineur, jusqu’à l’arrivée de la mère et de la sœur du héro venues, le prier en Mi bémol majeur (tonalité du divin) de renoncer à prendre la cité qui n’est pas encore la puissante Rome. Héro, juste, le destin le rattrape. Entre la piété filiale et le déshonneur de ne pas réclamer justice, il choisit la seule sortie héroïque donnant par son suicide la victoire à la vertu et à la grandeur d’âme, la véritable force pour Ludwig.

Cyril Brun

Beethoven, la IXème, le rendez-vous manqué de Rouen

Programmer la célébrissime IXème de Beethov’ est toujours un événement. UN événement pour le public, mais aussi pour l’orchestre et les chœurs. Et ce n’est pas sans trembler que les plus grands chefs, comme les plus célèbres compositeurs se sont approchés de cette partition inégalée par bien des côtés. Karajan, un des grands spécialistes du maître de Bonn, disait vouloir être congelé à sa mort, le temps de donner à la science de le faire revivre, car il ne savait toujours rien de Beethoven. Autant dire que les secrets de l’interprétation de la IXème sont loin d’être totalement dévoilés et que sur cette pente il est possible de discuter des heures et des heures.

Pour autant, le compositeur à laissé de nombreuses indications, à l’intérieur même de la partition, pour une exécution de l’œuvre ouvrant à une forme d’absolu qui justement en fait ce monument exceptionnel. Et il faut bien dire que la représentation donnée à l’opéra de Rouen était aux antipodes de la puissance créatrice de Beethoven. Certes, le public a chaleureusement applaudi l’exploit de la IXème au cours duquel l’orchestre de l’opéra a montré une fois encore le formidable potentiel de la phalange rouennaise. Et il est bien clair que dans les lignes qui suivent les musiciens ne sont pas en cause. La qualité instrumentale et sonore était au rendez-vous, mais pas la IXème.

Nous avons assisté aux premiers moments d’une première répétition. Les instrumentistes arrivent ayant travaillé leur partition et mettent au service de l’œuvre un vrai talent musical. Mais voilà, nous avons l’impression d’en être resté là. Tout le travail de mise ensemble, d’interprétation, de respiration de l’orchestre semble être resté en friche, comme un matériau brut non travaillé. C’est du reste le désolant fil rouge de cette saison 2018/19. Un orchestre au formidable potentiel laissé en friche par une succession de chefs qui ne le fait pas travailler en profondeur. Sous employé, l’orchestre de Rouen donne l’impression d’être en roue libre à de trop rares exceptions près.

Tel fut en tout cas le sentiment dominant de ce rendez-vous manqué. Avec un tempo bien trop rapide, la symphonie s’est transformée en une course saccadée aux accents saillants et secs à l’extrême. Dans cette précipitation les fins de phrases se télescopaient au bout d’une progression électrique et décousue. L’essoufflement d’ensemble empêchait la mise en relief de la respiration harmonique pourtant capitale dans la montée progressive vers le finale mais rendue impossible par de nombreux « dérapage » liés à la juxtaposition des musiciens à qui on ne semblait pas avoir voulu donner d’unité. De cafouillis en approximations, l’ensemble s’écrasa dans un finale que seule la qualité de la pâte instrumentale pu sauver.

S’il y eut plus d’unité dans le second mouvement, les chevauchements étaient toujours là, accentués par un manque évident de contraste dans les nuances, transformant la percussion en simple fanfare. Pour avoir une idée de la fanfare festive qui pourtant reste symphonique, il faut écouter les marches militaires commandées à Beethoven pour l’effort de guerre. Elles n’ont rien du pompier caricatural qu’on se plait à voir en lui. Ce manque de relief fut encore accentué par le tempo laissant place à une cavalcade aux attaques saillantes hors de propos.

Passons sur « l’entracte » sur place qui coupa nette le reste de tension harmonique qui lie toute l’œuvre de bout en bout pour entrer dans le méconnaissable troisième mouvement durant lequel la ligne mélodique se fracassait sur une ligne harmonique inversée, comme si ce fut une version revisitée par Berlioz.

Le dernier mouvement pâtit des mêmes travers, auxquels il fallut ajouter un quatuor vocal déstabilisé par la soprano. L’entrée des chœurs, sur une toute autre ligne d’interprétation plus chaleureuse et visiblement nettement plus travaillée par Frédéric Pineau, introduisit un nouveau décalage d’interprétation, mais offrit une douceur harmonique qui manquait dans la cavalcade précédente.

Certes ce n’est guère dans l’ère du temps, mais un chef attitré permettrait sans doute à ce bel orchestre de donner toute la richesse dont il recèle.

Cyril Brun

Concert entendu au Théâtre des Arts de Rouen, le 4 juin 2019

Orchestre de l’opéra de Rouen, orchestre Régional de Normandie, chœurs régionaux, chef de chœur Frédéric Pineau, direction Jamie Phillips

Opéra de Rouen – Que vous réserve la saison 2019/2020 ?

Incontestablement enfin, l’opéra de Rouen sort du tunnel dans lequel il semblait s’endormir depuis le départ de Daniel Bizeray.

Loïc Lachenal nous a concocté une saison puissante, massive, riche, variée que nous avons grande impatience de découvrir et de vous faire découvrir au fil de la saison dès septembre prochain.

Voici en avant première quelques plats du vaste menu qui passera en revue 500 ans de musique.

7 grandes œuvres lyriques et 17 rendez-vous symphoniques qui n’oublieront pas les 250 ans de Beethoven, l’année Offenbach ou l’anniversaire Berlioz.

Pour garder en haleine les présentations au public nous ne vous donnons que les grandes lignes. Mais chaque titre regorge de surprises de qualités uniques.

Barbier de Seville ( diffusion sur écran dans 15 lieux Normands) avec une mise en scène Pierre-Emmanuel Rousseau (qui nous avait offert un splendide Comte Ory cette année. Voir notre article)

Der Freischütz ( avec Stanislas de Barbeyrac)

Le postillon de Longjumeau ( coproduction avec l’opéra comique)

Coronis (une zarzuela espagnole d’époque baroque) avec Vincent Dumestre et le Poème harmonique. Quasiment une création mondiale. 

Tosca mis en scène par David Bobée ( directeur du cdn de Rouen qui nous laisse le souvenir d’un époustouflant Peer Gynt cette saison. Voir notre article dans notre numéroi de décembre 2018)

Sersée de Haendel 

Mac Beth de Dusapin. Création mondiale décors pharaonique en vue.

La saison symphonique n’est pas moins impressionnante

⁃ Concerto l’empereur de Beethoven  ⁃ Deuxième concerto pour piano de Chostakovitch avec Alexandre Taraud ⁃ IVème et Vème de Beethoven ⁃ Berlioz ⁃ Un inédit d’Offenbach ⁃  L’ouverture de Tannhauser ⁃ Un vrai retour du baroque avec Don Juan de Gluck ( entre autre)

Et une note gourmande étendue à 18.30 avec apéro !

Quant à la Chapelle Corneille avec une quarantaine de concerts dont


⁃ Les sœurs Labèque  ⁃ Les intégrales des sonates pour piano de Beethoven ⁃ Accentus avec la liturgie de Saint Jean Chrisostome de Rachmaninov   ⁃ B’Rock sur instruments anciens avec une Passion selon Saint Jean de Scarlatti  ⁃ Quatuor Debussy
La programmation d’une dizaine de concerts de L’etincelle 
Mais aussi la maison illuminée pour des week-end participatifs avec le public en concert Week-end avec Beethoven et le Concours baroque Corneille

Nous n’en dévoilons pas plus, il y aurait tant à dire encore de cette passionnante aventure qui nous attend tous à la rentrée. La présentation au public de jeudi et samedi devrait vous enchanter avec plus de détails et la passion de Loïc Lachenal.