Onéguine, l’intense émotion d’un drame personnel à l’opéra de Rouen

Pour être tout de suite honnête, nous avons voulu donner un titre positif à la représentation d’Eugène Onéguine à l’opéra de Rouen, mais il nous a fallut attendre les dernières minutes pour en trouver le motif.

Tout au long de la soirée, l’impression dominante a oscillé entre « une mise en scène confuse » et « complètement à côté de la plaque ». Et si c’est bien ce qui a présidé à cette interprétation de l’œuvre de Tchaïkovski, il faut reconnaître que l’extrême fin de la dernière scène était d’une très grande profondeur émotive due à une très grande qualité d’interprétation, de voix et de puissance des deux solistes, Anzhelika Minasov, profondément grande et grave en Tatyana et de  Konstantin Shushakov, Onéguine bouleversant de réalisme.

Cette sortie par le haut est d’autant plus inattendue que tout l’opéra s’est noyé dans la confusion. On cherche Tchaïkovski dans les ajouts politiques, on peine à voir la psychologie des personnages, thème pourtant central de l’œuvre, dans le brouhaha d’une mise en scène aux antipodes de la simplicité voulue par le compositeur.

A dire vrai, la surcharge de décors et de personnages sur scène noyait les individualités, là où elles étaient écrites pour ressortir, de sorte que les voix se succédaient en pièces plus isolées que les scènes découpées par le compositeur lui-même. Des voix dans l’ensemble pourtant belles et imposantes, parfois fragiles, souvent intenses. Mais toutes perdues dans un galimatias informe de surcharge scénique et plus encore de décalage entre les paroles et la mise en scène.

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L’orchestre pour sa part semblait vouloir jouer seul une suite symphonique souvent bien éloignée de ce qui se passait sur scène, mais d’une agréable facture quoique l’interprétation ait misé essentiellement sur les reliefs sonores et les nuances, plus que sur la tension harmonique pourtant pensée pour souligner le drame, il est vrai totalement brouillé par la confusion scénique.

Mais, le dernier tableau, précisément dépouillé de mise en scène dans le simple face à face des deux amants, comme l’avait pensé Tchaïkovski, donna, lui, toute sa puissance dramatique, mettant en relief et les voix et l’orchestre, pour emporter d’un souffle coupé toute la salle au cœur même du désespoir d’Onéguine.

Spectacle entendu le 24 mai 2019 Théâtre des Arts

Voir notre explication de l’œuvre

Un joyau de la couronne rouennaise de retour en France

Royal tea party au Musée de la céramique

Nous vous présentions l’exposition dans notre magazine de septembre 2018. Il fait maintenant parti des collections du musée de la céramique.

Exceptionnel, unique, rarissime, royal, sublime, historique ! Les qualificatifs se bousculent sur les lèvres balbutiantes du visiteur éberlué qui ne sait plus si tant de laudatifs reviennent au service à thé ou à son retour en France. La beauté de l’ensemble réhausse le détail d’une œuvre sans précédent par son histoire, comme par son programme iconographique. Qu’un roi souhaite offrir à la reine un service à thé de la Manufacture de Sèvres, n’a en soi rien d’original et toutes les pièces de ce type de commande rivalise/nt assurément de finesse et de beauté. La rareté, va de soi pour une pièce unique et sur mesure. Pourtant, ce service à thé, commandé par Louis-Philippe pour la reine Marie-Amélie en 1837, est bien exceptionnel. On ne sera pas surpris que la Manufacture ait mis sur le projet son meilleur peintre, Jean-Baptiste Gabriel Langlacé (1786-1864), spécialisé dans les vues topographiques. On le sera plus par le choix des représentations qui ont conduit le peintre à se déplacer en Normandie, au lieu de se contenter de reproduire l’une ou l’autre gravure existante. C’est ainsi que Langlacé croqua des vues de Rouen et des environs, aussi réalistes que surprenantes. En ce début de XIXe siècle, la Normandie exerce déjà un attrait particulier sur les âmes romantiques. Les ruines, les paysages verdoyants, les falaises sont autant de muses pour les artistes qui transmettent au public parisien et aux élites françaises, le goût d’une Normandie romantique dont l’héritage nourrit, aujourd’hui encore, touristes et amateurs d’art. La famille royale est, elle-même, très attachée à la région. L’un des princes, les plus célèbres, est titré duc d’Aumale. Mais par-dessus tout, le château d’Eu berce de souvenirs heureux les enfants royaux, comme leur père. C’est donc en hommage à peine voilé que l’une des tasses représente la villégiature estivale de celui qui restera l’unique « roi des Français ». La finesse et la richesse des décors peignant aussi bien des vues rouennaises que des alentours forcent l’admiration et confèrent comme une plénitude de paix, à l’image d’une promenade bucolique sur les bords de seine.

Plus étonnant peut-être, la représentation d’usines et de manufactures témoigne de l’intérêt de toute une époque pour la modernité. Ces bâtiments, qu’aujourd’hui nous cacherions volontiers, sont alors une curiosité digne de figurer aux côtés de la prestigieuse primatiale de Normandie. A lui seul, ce service nous décrit une époque dans son bouillonnement et son raffinement.

« Ce souci d’intégrer ces motifs modernes répond à une sollicitation explicite d’Alexandre Brongniart (1770-1847), directeur de la Manufacture de Sèvres depuis 1800, soucieux de promouvoir les industries françaises, comme en témoignent plusieurs services produits sous sa supervision (par exemple le service des Petites vues de France). » indique la notice qui accompagnait l’offre de souscription lancée par les Amis des musées rouennais en vue d’acquérir ce joyau à la gloire de Rouen, qui est désormais propriété de la Réunion des Musées Métropolitains. Acquis pour la modique somme de 375 000 euros, il a d’abord été visible dans le jardin des sculptures du Musée des Beaux-Arts, jusqu’ au 17 septembre 2018. Il a maintenant rejoint son nouvel écrin au Musée de la Céramique.

Charles Montmasson

Crédit photos : Musée – Métropole – Rouen – Normandie

Tom entre deux ombres

Si les spectacles pour jeune public ne sont pas rares à Rouen, ils ne sont pas non plus si fréquents qu’on puisse trouver l’opportunité d’en parler souvent. L’ombre de Tom est un spectacle tout à la fois amusant et éducatif, en ce qu’il éveille au sens, à l’attention tout en portant au rêve, comme les enfants savent si bien s’envoler du réel à l’imaginaire. Tom est insouciant, comme le bébé qui vient de naître, jusqu’à ce qu’il croise l’inconnu qu’il ne comprend pas, comme l’enfant qui pour la première fois fait l’expérience de l’inquiétude et du questionnement sans réponse.

C’est la fuite de cette inquiétude en même temps que l’envie de voir ce qui se cache derrière cette ombre qui conduit Tom à la découverte du monde, de son monde et finalement de lui, son ombre.

Tom n’est pourtant pas seul dans son voyage initiatique. Les sons, les images, les couleurs, les lumières, les animaux et bien entendus les ombres de tout ce qui l’entourent prennent un relief particulier pour éveiller chaque sens des enfants à la découverte du monde. Il n’entre rien en l’être humain que par les sens et Tom se laisse pénétrer par les sons, les images comme on se laisse rejoindre par un ami. Comme le renard il apprivoise son ombre par le truchement de deux acteurs talentueux qui manient ombres et lumières avec dextérité et discrétion, accompagnant Tom entre deux ombres, celle qui le fait fuir et celle qui l’attire.

Romain de La Tour

Spectacle vu le 19 mars 14 h Chapelle Saint-Louis

D’après Tom et son Ombre de Zoé Galeron (Editions Gallimard Jeunesse)

Adaptation et mise en scène Bénédicte Guichardon

Interprétation et manipulation Alexandre Ethève, Daniel Collados

Rouen sur Scène lance e-scène, un salle de spectacle virtuelle