Sobriété efficace, silence captivant, italien charmeur, discours
sans fioriture, tout se conjugue comme un zoom de lumière sans cesse pointé sur
le contenu du texte. Pour qui parle l’italien, il est évident que le texte ne
cherche pas à être celui de Dante, mais à rendre saillant l’idée qu’il porte,
comme soutenue au-dessus d’un abime, celui qui emplit de vide le décor et l’envers
du décor, la vie vécue et les vies rêvées, comme si le présent n’était que le
pont entre hier déjà lointain et demain qui ne fait que recommencer.
De l’autre côté du succès, l’échec, au revers de la santé, la
blessure, derrière la porte du paraitre, la nudité de l’être. Autant de réalités
ambivalences de nos vies, de quatre vies, celles des deux hommes et deux femmes
qui se racontent, se livrent, où pensent à haute voix leurs existences. Les
anecdotes sont banales, si ordinaires que nous les avons tous vécues sous un
mode ou un autre. On pourrait croire à la vacuité de phrases échangées sur un
banc avec un passant inconnu, de celles qu’on dit pour meubler, de celles que,
parce qu’elles nous disent, on ne laisse qu’anonymement à un étranger plus qu’à
un proche.
Une vaste réflexion sur la vie avec les mots de la vie ordinaire
pour dire les maux et silences ordinaires. Pas de grandes tirades freudiennes,
pas d’appel à Nietzche ou Kant, justes des banalités en forme de point d’interrogation,
des silences comme esquisses de réponses, des situations croisées comme éclairages
mutuels.
Il Cielo non è un fondale (le ciel n’est pas une toile de fond), pose avec une économie de moyens efficace la question de ce moi boursoufflé qui nous occupe tant, de ce qu’il montre et de tout ce qu’il cache derrière le décor. Quelques traits d’humour italien, des regards lancés vers le public pour qu’il s’approprie la question et une salle captivée qui repart à n’en pas douter avec derrière sa propre toile de fond, les interrogations que la troupe lui a comme inoculée pendant plus d’une heure.
Spectacle vu le 27 avril 2019
Romain de La Tour.
© Claudia Pajewski
un spectacle de Daria Deflorian et Antonio Tagliarini
avec Francesco Alberici, Daria Deflorian, Monica Demuru et Antonio Tagliarini
collaboration au projet Francesco Alberici et Monica Demuru
le texte sur Jack London est de Attilio Scarpellini
assistant à la mise en scène Davide Grillo
lumières Gianni Staropoli
costumes Metella Raboni
construction du décor Atelier du Théâtre de Vidy
direction technique Giulia Pastore
accompagnement et diffusion international Francesca Corona / L’Officina
organisation Anna Damiani