La vie parisienne à Rouen, entre émerveillement et déception

La soirée promettait d’être intéressante. On l’attendait avec impatience et crainte, disons-le, connaissant l’orchestre de l’opéra de Rouen, ce mercredi 9 novembre 2021.

Une partition redécouverte, donnée en création à l’opéra de Rouen avec le Palazetto Bru Zane (voir notre article), mise en scène par le couturier Christian Lacroix, il y avait de quoi mettre l’eau à la bouche. Et l’attente fut à la hauteur des espérances en matière de costumes. Une version grand couturier des habits d’époque, pleine de couleurs et de lumières, a su donner un véritable éclat à la scène. Un flamboiement de tissus même, tant le nombre des costumes et des changements scène après scène était impressionnant. On imagine sans peine la ruche efficace en coulisse. Cette rosace lumineuse et tournoyante compensait des décors relativement ternes mais dans l’esprit époque eux aussi. La mise en scène, en forme de course tendue vers la résolution de l’histoire, ne laissa aucun temps mort, happant le spectateur dans sa respiration haletante et enivrante. Tout tourne, tourne et la fête se déroule. Telle fut bien l’ambiance de la scène qui manquait cependant de rodage encore. Les chanteurs cherchent leurs marques et hésitent, il faudra du temps pour patiner cette tournée riche d’actions, de gags, de styles et de mouvements.

Pour autant, le style très bouffe retenu, à bon droit du reste, masque la dramaturgie voulue par Offenbach. Le burlesque prend le pas sur l’histoire que le retour aux pièces d’origine ne rend pas vraiment plus nette. Les modifications et suppressions, nécessités de l’époque, n’apportaient finalement guère de relief et on comprend pourquoi, même loin de Paris, le compositeur ne chercha pas à revenir à sa première composition. Les trios inédits sont amusants, mais allongent l’ensemble d’autant plus que musicalement la ligne d’interprétation était décousue et lourde.

Si le Brésilien (Eric Huchet) a su ravir le public de ses deux airs célèbres, si Métella  (Aude Extremo) tenait haut le pavé, les autres chanteurs peinaient dans la diction et le rythme Offenbach, quand du moins les détails, non couverts par un orchestre sempiternellement au-dessus des voix, pouvait nous parvenir. Et ici malheureusement, la litanie des déceptions commence. Un orchestre lourd dès les premières mesures, en forme de fanfare bavaroise, souvent en décalage avec la scène, tant pour le rythme que pour le style, des voix pas suffisamment souples, une diction marmonnée ont rendu pénible une soirée qui avait tout pour briller, malgré un original petit ballet que l’on regrettera avoir été trop anecdotique.

Dans la fougue et le brio on fera une place à l’humour décalé du défilé de mode que ne pouvait manquer de proposer Christian Lacroix sur Les Parisiennes. Un public emballé, mais pour autant sans rappel ni ovation debout. Même dans son subconscient, le public sait toujours ressentir la différence entre l’agréable et l’excellence. Assurément la soirée lui fut agréable, mais espérons que les représentations de Tours et Paris hisseront à la hauteur qu’elle mérite cette création pleine de couleur et de vie.

La vie parisienne, en création mondiale à Rouen, 155 ans après Offenbach

C’est assurément la surprise de l’année tant attendue ! Qui ne connait La vie parisienne, probablement la plus célèbre opérette de Jacques Offenbach ? Qui, même parmi les publics les plus éloignés de la musique classique, ne connait au moins un des airs ou l’un des galops que l’on finira par assimiler au Cancan ? Parmi les mélomanes, combien connaissent les airs par cœur et pour beaucoup l’intégralité de la pièce ?

Eh bien ! non ! Trois fois non ! Ne vous en déplaise, vous ne connaissez ce monument que de loin et même de très loin. Découragé par le faible niveau de la troupe du Palais-royal, Offenbach dut abandonner les sections les plus acrobatiques, les plus difficiles de sa partition. De ce qu’il restait, il fallut encore retrancher ce que la censure ne permit pas. Pour tenir la gageure entre faible niveau et censure, il fallut non seulement couper et encore couper, mais encore modifier, transformer, réécrire, simplifier.

C’est ainsi que la création de l’automne 1866, en présence du composteur est assez éloignée de ce qu’il avait imaginé. Bien qu’il manque des pans entiers de l’histoire (tout l’acte IV), bien qu’il faille se satisfaire de raccourcis pour sauter à pieds joints dans les dénouements de l’intrigue, la succès fut au rendez-vous et Offenbach ne chercha pas, par la suite, à donner sa version originale qu’on croyait perdue et qui fut retrouvée il y a quelques années.

Au final, c’est près de 40% de l’œuvre qui ont été modifiés ou retranchés. Autant dire que le travail archéologique du Palazzetto Bru Zane nous livre une œuvre inédite. D’autant plus inédite que, fidèle à sa façon de travailler, Offenbach ne se mettait à l’orchestration complète qu’une fois que les premiers essais étaient concluants, laissant donc une grande partie de ses pages retrouvées réduites à la ligne de piano. Il n’a donc pas seulement fallu sortir des archives, mais aussi orchestrer au plus près de ce qu’aurait fait le maître. Les échanges ont fusé entre l’équipe du Palazzetto et le chef Romain Dumas et les essais sont encore en cours, alors que le Théâtre des Arts de Rouen s’apprête à entrer dans le vif des répétitions.

C’est donc une œuvre inédite, une création mondiale, 155 ans plus tard, que vont livrer l’Opéra de Rouen et le Palazzetto Bru Zane, dimanche 7 novembre 2021. Pour ce faire, c’est au couturier Christian Lacroix qu’ils ont fait appel pour les décors, les costumes et, chose inédite, la mise en scène. Unanimement, toute l’équipe de création a fait le choix de ne pas plonger cette opérette dans le contemporain du Paris d’Anne Hidalgo, mais de le laisser dans son temps. Certes, bien des sous-entendus risquent de nous échapper, mais la force évocatrice du compositeur devrait suffire à faire passer le message. (Pour une explication du sens de l’œuvre on pourra se reporter ici, quoique les nouveautés pourront ça et là donner plus de relief à l’analyse).

Deux castings ont été retenus pour tenir la tournée dans la durée et notamment les 16 dates parisiennes. Vous pouvez retrouver le détail ici.

Ayant eu accès aux maquettes et planches des décors et costumes originaux, Christian Lacroix, loin de plagier, s’est inspiré d’une époque pour aller, comme il aime, à la rencontre du passé.

Bref une perspective des plus alléchantes dont nous vous donnerons une plus fine idée après avoir vu, finalement pour la première fois, « La vie Parisienne »

A Rouen du 7 au 13 Novembre 2021

Flaubert mis en musique par Beethoven

L’un naît quand l’autre meurt. Nous quittons tout juste l’année Beethoven escamotée par le Covid, pour entrer, dans une année, non moins rabotée, consacrée à Flaubert. Les sources d’un romantisme allemand imprégné de Schiller et impressionné par Goethe laissent place au romantisme existentiel et au siècle du voyage. Beethoven voulait l’Homme grand, Flaubert le ressent petit, mais le veut large, élargi aux dimensions du monde et du rêve, quand Beethoven n’eut de cesse d’affronter le réel. Un destin à prendre à la gorge pour le maître de Bonn, un fatum à fuir chez Madame Bovary ou Salambo.

La plume des notes et la plume des lettres en quête l’une comme l’autre des arcanes de l’humanité, se retrouvent entrelacées par la Maison illuminée et La Cie KonfisKé(e). Les Trois contes, œuvre finalement peu connue de l’écrivain normand, écrite en plusieurs temps, où l’on cherche l’unité, sinon dans la quête même de l’auteur, est une œuvre à la fois flaubertienne et normande, inspirée par les rencontres de l’auteur. Un vitrail de saint Julien, à la cathédrale de Rouen, un ensemble de souvenirs d’enfance, l’existentiel face à face avec Hérodias qui pourrait traverser tant de ses personnages.

Le plus abouti des quatuors de Beethoven, celui dont Schubert, tant de fois fasciné par le maitre, disait « Après cela que reste-t-il à écrire ? », le quatuor 14 en ut dièse mineur, comme musique de scène.

L’idée n’aurait surement pas déplu au compositeur dont l’art n’avait d’autre but que d’aider l’Homme dans sa quête héroïque et vertueuse vers le bonheur. Lui qui disait ne pas pouvoir composer pour des livrets qui mettent en avant le vice, trouverait ici une grande satisfaction à ce que sa musique serve une forme de quête intérieur, de conversion de l’hybris à la sobriété.

Mais comment une œuvre aussi unifiée, au point que les mouvements intermédiaires sont de véritables tuilages, comment va-t-elle servir une œuvre aux histoires aussi diverses que ces trois comptes ?

Goethe pour qui la musique de Beethoven exprimait tellement plus profondément sa philosophie est en probablement la clef de lecture : se laisser pénétrer par l’art pour ressentir l’existentiel du conte.

C’est le défi relevé par la nouvelle production de La Maison Illuminée pour une tournée qui lèvera le rideau en création à Rouen le 8 octobre prochain.

Plus d’informations sur le site de La Maison illuminée

Maria-Cristina Réchard et Valentin Barray, la complicité en musique

L’été musical normand a été considérablement appauvri en raison de l’épidémie de Covid 19, mais certaines structures se battent pour maintenir une vie culturelle et notamment classique à Rouen et dans les alentours.

C’est le cas de notre partenaire Classique pour tous qui ce week-end accueillait à Saint-Godard d’abord, dans le jardin des sculptures de Bois-Guilbert ensuite, le duo de la soprano Maria-Cristina Réchard et du pianiste Valentin Barray pour un double programme qui sut ravir deux publics, pour deux acoustiques bien différentes.

Comme tous les samedis de l’été l’église Saint-Godard a ouvert ses portes à 20 heures pour le second concert de la saison des musicales déconfinées.

Après le virtuose du violon, Grégoire Girard, ce fut donc au piano et à la voix d’enchanter le public (peu nombreux) de Rouen, dans un programme composé autour de la musique sacrée et des airs d’opéra.

Dans une acoustique de dentelles qui donnait aux voûtés d’être le simple prolongement de la voix de la chanteuse, Mozart, Bellini, Rossini et bien d’autres se sont épanouis pour le plus grand plaisir d’un public qui ne voulait plus laisser partir le duo enchanteur.

Même enthousiasme le lendemain, dans le cloître de verdure du Château de Bois-Guilbert ou les deux artistes se sont produits dans un parcours de vie poétique, celui des Amours de Verlaine. L’ambiance décidément très Glyndebourne de la soirée a enthousiasmé un public nombreux qui a pu profiter du jardin pour pique-niquer après le concert.

Vous n’avez pas pu entendre ces deux concerts ? Ce n’est pas grave puisque ce samedi à 20 heures à Saint-Godard, les deux musiciens donneront un condensé de ces deux soirées, avec en première partie des airs sacrés et en seconde des mélodies françaises autour de Rénaldo Hahn, Debussy, Fauré mettant en musique Hugo et Verlaine… entre autre

Un petit extrait pour la route

Époustouflant, Grégoire Girard envoûte Saint-Godard

Samedi soir à 20 heures s’ouvraient les Musicales déconfinées de Saint-Godard, une saison construite en quelques jours pour faire face à l’annulation des concerts emportés par le Covid.

C’est le jeune violoniste de 23 ans, Grégoire Girard qui a reçu la lourde charge d’ouvrir le bal. Avec son frère Guilhem Girard, agrégé de lettres, ils ont tenu en haleine le public de cette église trop souvent fermée que les rouennais ont pu redécouvrir avec bonheur.

Guilhem au micro déclamant des poèmes choisis et expliquant l’histoire de la virtuosité dans l’antiquité et les premiers temps du christianisme et Grégoire au violon, emplissant une acoustique de dentelles et de bien-être.

De la lyre mythique au violon magique, nous y étions. Plus d’une heure d’excellence où la technique maîtisée disparaissait derrière l’âme faite musique du jeune artiste venu spécialement d’Angers entre deux concerts pour offrir au public rouennais son talent, sa gentillesse et son humilité.

Une soirée saisissante où les spectateurs tenus en haleine se sont laissés transporter par l’Obsession de Ysaye avant de s’envoler avec le caprice 24 de Paganini.

Extrait de la répétition

Une soirée prometteuse qui annonce tout un été muscial de qualité à saint-Godard les samedis à 20 heures

25 Juillet, de l’Art Sacré à l’air d’Opéra, Valentin Barray (piano), Maria-Cristina Réchard (soprano)

1er août, Mélodie française, Maria-Cristina Réchard, Valentin Barray

8 août – Trio Ernest pour l’anniversaire des 250 ans de Beethoven

22 août Trio Calima (trio à cordes) Beethoven, Schubert

Jeudi 27 août – Duo de Violoncelles, Raphaël Jouan et Thibaut Reznicek – Facétie saison 2 (saison 1 à Saint-Maclou le 23 août 20 heures)

Réservations par ici

renseignements cyrano.musique@gmail.com

Les 24 heures de piano de Rouen – 20-21 juin 2020 – La halle aux toiles

Classique pour tous en Normandie, CyranoProd et Rouen sur Scène organisent les premières 24 heures de piano de Rouen. Un festival dédié au piano dans tous ses états sur deux jours.

Du samedi 20 juin 2020 après-midi au dimanche 21 juin après-midi, plusieurs pianistes aux parcours et aux profils atypiques se succéderont dans un répertoire allant du Jazz au classique, de la mazurka au contemporain, en passant par un one man show unique en France.

Seuls, ou accompagnés d’autres musiciens ils donnent libre cours à leur passion.

Un concert, une ambiance, un voyage.

Concert dégustation avec notre partenaire Arômes et passions pour un voyage en harmonie vin musique.

Concert scientifique avec une projection en live d’un microscopique être vivant qui a traversé toute l’histoire de Rouen et qui évoluera sur une création musicale de Valentin Barray notre artiste en résidence cette année.

Concert apéro Jazz et concert mazurka pour vous faire danser, il y en a pour tout le monde.

Au menu de la Halle aux toiles 5 concerts en 24 heures et une master class.

Tarif unique de 15 euros pour tous les concerts.

Tarifs de groupe à partir de 50 places achetées tous concerts cumulés : 12 Euros la place.

Possibilité d’une dégustation privée pour les groupes ainsi qu’une rencontre avec les artistes.

Renseignements et réservations

 billetteriecyranoprod@gmail.com

Découvrez nos artistes et leur spectacle

Valentin Barray, est un pianiste et un compositeur originaire de Normandie. Très jeune, il commence le piano en jouant avec son père, accordéoniste diatonique. Ensemble, ils explorent un répertoire de musique du monde. Valentin découvre la joie de monter scène avec des formations diverses. Il restera très marqué par l’improvisation et le partage d’une musique orale et spontanée. Après avoir validé son D.E.M au conservatoire de Rouen, il est admis au Royal College of Music de Londres ou il étudie le piano classique, jazz, et contemporain ainsi que la composition de musique de film . Il est l’élève de Mike Moran pianiste pour Freddy Mercury) et du Pascal Nemirovski. Il a ensuite gagné plusieurs concours nationaux et internationaux et a obtenu son master of Performance avec la plus haute mention. . Valentin se produit à l’Opéra de Rouen, Royal Festival Hall de Londres, Crucible Theatre de Sheffield, à la Cité Internationale des Arts de Paris, au V&A Museum. En résidence à la Cité Internationale des Arts de Paris, il compose et enregistre son premier album ‘Mirages’, sorti en 2017. L’album est une exploration personnelle autour de l’univers de la musique à danser. Depuis la sortie de l’album, Valentin a fait plusieurs tournées européennes et plus de deux cents concerts autour de ses compositions. Il se produit également en musique de chambre.

Ecouter un extrait de son premier album

Alexandre Prévert

Jeune artiste de 23 ans, Alexandre Prévert est l’auteur du concept de « stand-up classique ». Sur fond de musique classique, son spectacle « Où sont passés vos rêves ? » est à la fois drôle et poétique. La magie opère et le spectateur en sort transporté.  

                                                         « Où sont passés vos rêves ? »

Un spectacle qui affiche déjà plus de 200 dates à travers une vingtaine de pays !

Et si nous rêvions ensemble ? Des rêves pour rire, des rêves pour sourire…
Alexandre Prévert nous convie à un spectacle unique au monde mélangeant
musique classique, humour et poésie.

– Le Figaro – « Alexandre Prévert… le nouveau roi du stand-up classique »
« Ce pianiste virtuose joue avec nos petites histoires et notre grande Histoire au son des plus grands compositeurs. Il propose un voyage dans le temps à travers les rêves d’amour de Verlaine et de Liszt, les rêves de révolution de Beaumarchais et de Mélenchon, le rêve d’égalité de Martin Luther King ou encore le rêve d’un Nouveau Monde partagé par Gérard et Christophe Colomb ! Avec aussi Mozart, Apollinaire, Leonardo DiCaprio, Schubert, Montaigne, Booba et Kaaris, ou Chopin.

L’opéra de Rouen, Beethoven, Haydn et Mozart à Bois-Guillaume

L’opéra de Rouen sera en tournée pour un concert exceptionnel à Bois-Guillaume, salle Guillaume le Conquérant ce samedi 14 septembre à 20 heures.

Au programme de grands moment de la musique viennoise

– l’ouverture de Coriolan Op. 62 de Ludwig Van Beethoven

– la symphonie n°40 de Wolfgang Amadeus Mozart

– le concerto pour Violoncelle n°1 de Joseph Haydn

Direction musicaleBen Glassberg a été le lauréat du 55e concours international des jeunes chefs d’orchestre de Besançon à seulement 23 ans. En 2011, il fonde the London Youth Symphony Orchestra et devient il y a un an le chef d’orchestre de la Hertfordshire School Symphony Orchestra.
SolisteVictor Julien Laferrière étudie le violoncelle au Conservatoire Supérieur de Paris et s’est perfectionné à l’université de Vienne. Vainqueur du 1er prix au concours Reine Elisabeth de Bruxelles en 2017, il est également vainqueur aux Victoires de la Muqsique classique 2018 dans la catégorie “Soliste Instrumental de l’Année”.

Réservations

Quelques mots d’explications

Toute l’école de vienne en concert à BG

Trois hommes qui semblent bien éloignés par le tempérament, l’histoire et la musique et qui pourtant forment au sens le plus strict du terme le véritable clacissisme musical. Quand nous parlons de musique classique pour désigner génériquement la musique « ancienne », nous commettons un abus de langage car la véritable musique classique se fonde et tourne autour de trois monstres sacrés piliers de « l’école de Vienne » que sont Haydn, le maître, Mozart le génie et Beethoven le génial. Ils se présentent dans ce concert sous trois formes musicales qu’ils vont bousculer, mais dont ils sont pourtant les représentants inversés. Beethoven, maître de symphonie est à l’ouverture opératique. Mozart le concertant est à la symphonie et Haydn le symphoniste de l’opéra est au concerto.​​​​​​​

Mozart, de la 40èmeau Requiem, il n’y a qu’un drame

C’est sans doute la symphonie la plus connue de Mozart. Cette notoriété n’est pas sans perturber l’appréhension de l’œuvre par le public souvent enthousiaste à l’idée d’entendre Mozart et plongé dans une joie a priori dès ces premières mesures si célèbres dont la charge émotive est pourtant aux antipodes de la gaité. Nous sommes en sol mineur, une tonalité qui prendra de plus en plus la couleur du malaise et du drame et particulièrement chez Mozart. Elle est la relative (c’est-à-dire le miroir d’une certaine façon) de Si bémol majeur, tonalité de l’espérance. Il n’y a que deux (trois si nous comptons une œuvre de jeunesse) symphonies composées en mode mineur par Mozart, toutes deux en sol. Il se trouve que des passages clefs du Requiem sont aussi en cette tonalité et notamment le Domine Jesuqui campe, sans aucune espérance, la descente aux enfers. Tel serait l’état d’esprit de Mozart lorsque peu après la mort de sa fille il compose, en quelques semaines, cette symphonie dont le second mouvement est lui en Mi bémol majeur, tonalité réservée au divin, comme une prière ou un repos espéré, malgré tout pour sa fille ?

Haydn, le concerto numéro 1 pour violoncelle, entre circonstance et charnière d’une époque

Haydn est à la fois le modèle le plus accompli et le dernier représentant d’une génération de compositeurs. Lié aux princes Esterházy qui l’employaient lui et ses musiciens, Papa Haydn, compose pour les plaisirs du prince. Symphonies, opéras, et quatuors sont fonction des occasions, du nombre des instrumentistes et de leurs possibilités. Haydn fait avec ce qu’il a, quitte à réécrire selon les opportunités. Sa musique évolue avec sa propre expérience. Ainsi, ses dernières symphonies, comme son concerto pour violoncelle N°2, bénéficient-ils des exigences développées pour l’opéra. C’est une forme plus simple qui préside à la composition du premier concerto. Haydn a peu écrit de concertos et souvent pour les musiciens qui étaient avec lui autour du prince. C’est le cas de cette pièce (redécouverte en 1961) écrite sur mesure peu après son arrivée au service du prince. Le style classique n’est pas encore formellement posé et le premier mouvement s’inscrit dans une veine baroque flamboyante qui disparaitra peu à peu de son écriture. Mais tout est là de son style, la joie, la surprise, la virtuosité et la force mélodique tissée dans l’harmonie.

Coriolan, l’héroïsme et le destin, la grande dualité de Beethoven

Le rapport de Beethoven à l’opéra est complexe. Maintes fois tenté, il ne trouva jamais l’ouvrage qui pu suffisamment l’inspirer, refusant de mettre en scène le triomphe du vice. Mais il laissa quelques superbes ouvertures, sous forme d’histoire musicale. Coriolan, général romain victorieux, mais retourné contre Rome est une de ces figures héroïques à l’époque chères au maître de Bonn. Vertueux et droit, il se présente en homme fort sous les remparts terrifiés de l’Urbs, pour demander raison de son injuste exil. Ce n’est pas de gaîté de cœur que ce grand homme assiège sa ville. La rencontre d’une double désolation imposée par ce fatum(thème de la Vème) laisse une impression obscure, endeuillée, triste, posée par Beethoven en do mineur, jusqu’à l’arrivée de la mère et de la sœur du héro venues, le prier en Mi bémol majeur (tonalité du divin) de renoncer à prendre la cité qui n’est pas encore la puissante Rome. Héro, juste, le destin le rattrape. Entre la piété filiale et le déshonneur de ne pas réclamer justice, il choisit la seule sortie héroïque donnant par son suicide la victoire à la vertu et à la grandeur d’âme, la véritable force pour Ludwig.

Cyril Brun

Les jeudis de Saint-Maclou, la constance du beau

Si pour certains retours de concert je me rappelle Berlioz (mutatis mutandis) pleurant son supplice de devoir se remémorer le mauvais concert de la veille avant d’en donner un compte rendu et si pour certaines scènes le désagrément est récurrent, c’est bien l’exact opposé pour les jeudis de Saint-Maclou au point que certains lecteurs pourraient me croire d’un amical parti pris, quand d’autres verraient un éternel acariâtre au lendemain des productions du Théâtre des Arts.

Sans avoir pu suivre toute la saison estivale des jeudis de Saint-Maclou, mais en ayant abondamment écouté La Maison illuminée cette année, quelle que fut sa formation, je me trouve bien en peine de renouveler mon compte rendu de cette dernière de la saison estivale. Une fois ou l’autre j’ai pu souligner tel ou tel bémol, parfois un certain temps avant que l’ensemble ne se trouve tout en trouvant l’acoustique de l’église, ce qui est fréquemment le cas en tout concert. Mais jeudi soir il n’en fut rien. Dès la première note Jean-Baptiste Monnot et Oswald Sallaberger se sont trouvé. Le trio de l’organiste, du violoniste et de l’église était d’une rare unité. Sans flagornerie, nous avons à Rouen des perles et on ne peut que se réjouir de la notoriété grandissante de ces concerts du jeudi.

On dit aujourd’hui que le beau est relatif, alors qu’il est la quintessence de ce qui apaisant l’âme l’élève. Sous des formes et des esthétiques différentes, c’est cette constance que nous offre La Maison Illuminée, au-delà de scories que l’on peut parfois relever. C’est probablement pour cela que le public se fait lui-même musicien à ces occasions. Dans le public on mesure mal combien la partition sans la respiration de la salle perd de son relief ( ce que l’on perçoit à l’écoute d’un simple enregistrement). Le jeu de tension entre les deux pôles centraux de la musique tonale n’a finalement d’autre but que d’agrandir les dimensions de l’orchestre au public et peut-être est-ce là la clef de cette émotion des jeudis de Saint-Maclou. La technique est là bien entendu, mais elle respire et entraine le public dans cette respiration.

J’aurai pu détailler le programme dans son compte rendu, mais au fond de bout en bout je n’aurai dit que cette chose essentielle, de concert nous avons respiré le beau.

La Maison Illuminée, Oswald Sallaberger, Jean-Baptiste Monnot, jeudi 5 septembre – Saint-Maclou, Rouen

Il parait qu’on donnait Mozart chapelle Corneille.

Le titre est un brin provocateur, mais il est vrai qu’il m’a été difficile de me faire un avis sur le concert de clôture des Musicales de Normandie ce samedi à la chapelle Corneille. Peu habitué au placement libre, je n’ai pas anticipé et me suis retrouvé à la pire de toutes les places derrière les timbales et cuivres, me donnant l’impression d’assister à un concerto pour timbales. Je bats ma coulpe, mais je me demande tout de même ce qu’on pensé les personnes placées comme moi qui ont payé le même prix que celles bien placées pour n’entendre qu’un demi concert finalement.

Pour autant, la critique n’est pas valable pour le superbe Ave Verum dirigé par Frédéric Pineau. Une belle gestion de l’acoustique et de très beaux silences pensée comme la respiration d’une prière ont donné au chœur de la chapelle une véritable émotion.

Que dire d’autre sinon que le reste du concert maîtrisait mal la saturation acoustique et, pour ce qui en était perceptible de ma place, ne finissait pas vraiment les fins de phrases. Pour autant, la performance d’unité et de dextérité de ces jeunes musiciens en formation ne demanderait que le rodage de la maturité et on aimerait les entendre au bout de quelques concerts, une fois le programme mûri.

Quatuor Yako, toute la fougue de la respiration beethovenienne à Bolbec

Les Musicales de Normandie battent leur plein et font le plein. Après une ouverture en demi-teinte avec les dames d’Offenbach musicalement pas en place du tout, nous avons fait un bond de jouvence dans l’excellence avec le jeune quatuor Yako qui sut charmer, mais plus encore émouvoir, le public d’abonnés et de locaux présent en cette soirée du 9 juillet à l’église de Bolbec. Ecrin superbe au diapason des quatre jeunes musiciens issus du CNSM de Lyon que dirigea un temps un enfant de Bolbec.

Au programme, le classicisme sous diverses formes. Haydn, éminent représentant de ce que l’on appelle au sens strict le classique, Beethoven à la charnière de celui-ci et du romantisme et Mendelssohn un grand romantique aux lignes classiques.  Un programme en mineur quinte par quinte autour de cette superbe tonalité d’ut mineur, qui pourtant porta la vivacité invariablement joyeuse de papa Haydn, et ce rien primesautier de Beethoven. Si le quatuor dit « le cavalier » du maitre d’Esterházy semblait moins muri sous les archets que les deux autres pièces, il n’en gardait pas moins cette unité en tension joyeuse dans une ligne musicale qui permit la mise en valeur de ce style si typiquement et uniquement classique, donnant à l’œuvre sa légèreté singulière. Si on pouvait noter un manque d’ensemble parfois, notamment du fait d’un timide retrait de l’altiste, la profondeur du violoncelle tenait à elle seule la cohérence musicale, comme cette trace évanescente qu’on assignait autrefois au basso continuo.

Ni retrait ni timidité pour le quatuor en ut mineur de Beethoven. Au contraire, le public a pu découvrir toute la fougue de la respiration beethovenienne. Beethoven présent, anguleux et chaud porteur de son indéfectible espérance dont la lumière perle même sous ce do dièse mineur. C’est bien ainsi que les quatre jeunes musiciens ont su traduire, enlacés en ut mineur, les traits saillants d’optimisme du maitre du quatuor.

Mais, le quatuor Yako ne se contente pas de faire vibre le timbre, la virtuosité des allegro con brio ou l’haletante respiration d’une partition, il saisit l’âme de la musique et y transporte le public. C’est ainsi que l’émouvant fa mineur du quatuor de Mendelssohn retint le souffle sous les voutes de l’église classique de Bolbec. Le public qui jusque-là reprenait la vielle habitude d’applaudir entre les mouvements, laissa au silence toute sa portée musicale, tant, à son tour, il respira, pleura même, avec Felix devant sa sœur mourante. Si le tempo nous a paru rapide, il n’en perdit, en tout cas, rien de sa charge émotive, réussissant l’enjeu de tout compositeur romantique, faire passer au public ses propres émotions.

Concert entendu le 9 juillet 2019 à l’église de Bolbec dans le cadre des Musicales de Normandie

Les jeunes chambristes – Festivals de musiques de chambre clef en main (en savoir plus)