Un joyau de la couronne rouennaise de retour en France

Royal tea party au Musée de la céramique

Nous vous présentions l’exposition dans notre magazine de septembre 2018. Il fait maintenant parti des collections du musée de la céramique.

Exceptionnel, unique, rarissime, royal, sublime, historique ! Les qualificatifs se bousculent sur les lèvres balbutiantes du visiteur éberlué qui ne sait plus si tant de laudatifs reviennent au service à thé ou à son retour en France. La beauté de l’ensemble réhausse le détail d’une œuvre sans précédent par son histoire, comme par son programme iconographique. Qu’un roi souhaite offrir à la reine un service à thé de la Manufacture de Sèvres, n’a en soi rien d’original et toutes les pièces de ce type de commande rivalise/nt assurément de finesse et de beauté. La rareté, va de soi pour une pièce unique et sur mesure. Pourtant, ce service à thé, commandé par Louis-Philippe pour la reine Marie-Amélie en 1837, est bien exceptionnel. On ne sera pas surpris que la Manufacture ait mis sur le projet son meilleur peintre, Jean-Baptiste Gabriel Langlacé (1786-1864), spécialisé dans les vues topographiques. On le sera plus par le choix des représentations qui ont conduit le peintre à se déplacer en Normandie, au lieu de se contenter de reproduire l’une ou l’autre gravure existante. C’est ainsi que Langlacé croqua des vues de Rouen et des environs, aussi réalistes que surprenantes. En ce début de XIXe siècle, la Normandie exerce déjà un attrait particulier sur les âmes romantiques. Les ruines, les paysages verdoyants, les falaises sont autant de muses pour les artistes qui transmettent au public parisien et aux élites françaises, le goût d’une Normandie romantique dont l’héritage nourrit, aujourd’hui encore, touristes et amateurs d’art. La famille royale est, elle-même, très attachée à la région. L’un des princes, les plus célèbres, est titré duc d’Aumale. Mais par-dessus tout, le château d’Eu berce de souvenirs heureux les enfants royaux, comme leur père. C’est donc en hommage à peine voilé que l’une des tasses représente la villégiature estivale de celui qui restera l’unique « roi des Français ». La finesse et la richesse des décors peignant aussi bien des vues rouennaises que des alentours forcent l’admiration et confèrent comme une plénitude de paix, à l’image d’une promenade bucolique sur les bords de seine.

Plus étonnant peut-être, la représentation d’usines et de manufactures témoigne de l’intérêt de toute une époque pour la modernité. Ces bâtiments, qu’aujourd’hui nous cacherions volontiers, sont alors une curiosité digne de figurer aux côtés de la prestigieuse primatiale de Normandie. A lui seul, ce service nous décrit une époque dans son bouillonnement et son raffinement.

« Ce souci d’intégrer ces motifs modernes répond à une sollicitation explicite d’Alexandre Brongniart (1770-1847), directeur de la Manufacture de Sèvres depuis 1800, soucieux de promouvoir les industries françaises, comme en témoignent plusieurs services produits sous sa supervision (par exemple le service des Petites vues de France). » indique la notice qui accompagnait l’offre de souscription lancée par les Amis des musées rouennais en vue d’acquérir ce joyau à la gloire de Rouen, qui est désormais propriété de la Réunion des Musées Métropolitains. Acquis pour la modique somme de 375 000 euros, il a d’abord été visible dans le jardin des sculptures du Musée des Beaux-Arts, jusqu’ au 17 septembre 2018. Il a maintenant rejoint son nouvel écrin au Musée de la Céramique.

Charles Montmasson

Crédit photos : Musée – Métropole – Rouen – Normandie