Enguerrand de Hys, un exceptionnel rapport au silence sous les voûtes de Saint Maclou.

La Maison Illuminée donnait mardi soir à Saint-Maclou le point d’orgue à la journée organisée entre l’université de Rouen et l’Institut Goethe de Lille avec un concert dédié aux compositeurs germaniques. Encore frais en cette saison, l’effilé vaisseaux gothique nécessita de biens nombreuses mesures avant que vibrations, chaleurs et atmosphère composent l’écrin acoustique qu’on connait à ce joyau ecclésial rouennais. Il fallut en effet attendre Schumann et ses merveilleuses scènes d’enfants pour trouver une véritable unité instrumentale d’une douceur de rêve enchanteresse et réellement émouvante. Jusque-là, que ce soit pour Bach ou Weber ou même encore Eisler, les musiciens semblaient posés les uns à côté des autres, laissant ressortir une différence d’aisance et de liberté de jeu entre Oswald Sallaberger, chez lui dans cette église, et les autres instrumentistes, particulièrement violon et alto très en retrait. Dominant de haut, le chant du premier violon fit du célèbre aria de Bach un véritable instant choral, laissant aux cordes et à l’archet de s’exprimer pleinement d’une ligne véritablement lyrique. C’est la même beauté, non moins chantée et cette fois-ci par l’ensemble des instrumentistes, qui nous enchanta à chaque retour du thème de l’ouverture du Freischütz de Weber. Donné dans un arrangement pour cordes, l’interprétation permit, par cette épuration de la partition, de mettre à jour toute la force mélodique simplement réhaussée de l’harmonie que la masse orchestrale dissimule parfois.

Avec un accompagnement portant les bémols que nous venons d’évoquer, Enguerrand de Hys, pour sa part fit la démonstration, tellement loin de nos habitudes acoustiques, que la langue allemande porte en elle  une véritable douceur poétique. Tout de suite à l’aise avec l’immensité encore froide de la nef, le jeune ténor français entretient un merveilleux rapport au silence d’où sortent toutes les notes pour jouer avec lui, comme l’ondulation d’un dauphin dessine la grâce sur n’importe quelle mer. Puissamment enracinée, incarnée diraient les médiévaux, la voix est solide mais aime à se faire discrète et humble sans jamais sembler fragile, gardant une virilité douce et émue qui, en effet rendit l’allemand chantant et soyeux.

Cyril Brun

Concert entendu le 26 mars 2019, Eglise Saint-Maclou, Rouen

La Maison Illuminée – Oswald Sallaberger, Enguerrand de Hys

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